Tout comme la mode ou la décoration, les tendances de la parfumerie varient (souvent rapidement) au grès des saisons, des demandes de consommatrices et des désirs créatifs des nez et des marques. Chaque année, des sociétés décryptent les matières, les flacons, les packaging, les outils de communication comme les spots publicitaires… Quelles sont les tendances des derniers mois et vers lesquelles se dirige-t-on ?

LES FRUITS TOUJOURS OMNIPRÉSENTS

Depuis plusieurs années, le fruit, quelque soit sa forme et sa couleur, se croque dans de nombreux nouveaux parfums. Trésor de Lancôme en 1990 est le précurseur de cette mode du fruit suivi en 2003 par Amor Amor de Cacharel qui présentait des facettes fruits très sucrées. Les fruits jaunes ou oranges comme la pêche, l’ananas, la mandarine, le pamplemousse, la bergamote sont des incontournables puisqu’ils font partis de la colonne vertébrale entre autres des hespéridés. Mais aujourd’hui ils sont plus souvent exploités pour leur côté sucré et gourmand que leur facette acidulée très volatile en notes de tête. Ils sont ainsi traités dans Miss Dior Chérie EDT de Dior, Belle d’Opium d’Yves Saint Laurent, Fan Di Fendi, Coco Noir de Chanel… Intéressants à traduire en parfumerie olfactivement et visuellement, les fruits dans leur aspect croquant et juteux représentent une certaine idée du fruit défendu. Pomme, rhubarbe, poire signent des fragrances comme Un Jardin Sur Le Toit d’Hermès, Nina Fantasy ou Ricci Ricci de Nina Ricci.

Les fruits rouges (cerise, fraise, mûre, cassis…) évoquent sans équivoque l’été et ce qu’il a de plus agréable. Présente également, l’idée de passion en osmose avec la couleur rouge incandescente de la plupart de ces fruits. La Petite Robe Noire de Guerlain, Parisienne d’Yves Saint Laurent, Lady Million de Paco Rabanne, Jeanne Couture de Lanvin, L’Eau en Blanc de Lolita Lempicka offrent ces fruits rouges dans ce qu’ils ont de plus gourmands.
Les fruits exotiques (mangue, fruit de la passion…) sont aussi de plus en plus présents dans les nouvelles fragrances. Évocation de voyages lointains, ils apportent des notes subtiles et originales. On les trouve dans Eau Sensuelle de Rochas, Marine Groove de Escada, Aurore Nomade de The Different Company. Le fruit du dragon (ou Pitaya), qui n’a pourtant pas vraiment d’odeur ni de goût marqué, fait une apparition olfactive notamment dans Dot de Marc Jacob et La Petite Robe Noire de Guerlain. Le premier parfum à avoir utilisé ce fruit exotique est Tropical Punch d’Escada en 2001.
En 2013, les nez ont poursuivi leur recherche du fruit idéal, insolite ou plus classique. Dans les nouveautés comme Flower In The Air de Kenzo, Honey de Marc Jacob, Playing With The Devil de By Kilian, les parfumeurs ont utilisés le cassis, la poire, la noix de coco, la prune, l’ananas, la pêche ainsi que le coing et la rhubarbe particulièrement dans les parfums de niche… Parfois plusieurs fruits sont présents dans un même parfum. Bref, rien de très original mais signature incontestable de ce besoin de gourmandise. Car s’il y a bien un point commun entre tous ces fruits c’est l’utilisation de leur facette sucrée, gourmande et délicieuse.
Dans les parfums masculins, le fruit est aussi présent dans une moindre mesure. La pomme est souvent utilisée à intervalles plus ou moins réguliers comme note principale. Dans les féminins en 2013, Flash Back d’Olfactive Studio, See By Chloé de Chloé ou encore Amor Amor In A Flash de Cacharel lui donnent une place importante en note de cœur et en note de tête dans Burberry Body Tender de Burberry.

LES INGRÉDIENTS ÉMERGENTS DE LA PARFUMERIE

Côté ingrédients, de nombreux parfums font appel à des matières jusqu’alors inutilisées (ou si peu) en parfumerie comme la menthe que l’on trouve dans Le Mâle ou le Beau Mâle de Jean Paul Gaultier, Luna Rossa de Prada, Florabotanica de Balenciaga, Roadster de Cartier (très précurseur en 2008)…
Dans les parfums Pivoine de Penhaligon’s, Narciso Rodriguez for Her l’eau, Place Vendôme de Boucheron, Peony & Blush Suede de Jo Malone, Mademoiselle Ricci L’Eau de Nina Ricci, Fleur de Chine de Tom Ford… La pivoine, principalement en synthèse pure, est l’ingrédient phare qui a le mérite de rendre fertile l’imagination des nez. En effet, à l’instar d’une poire chez les fruits, la pivoine fait partie de ces ingrédients dont l’interprétation est infinie. Il existe autant de pivoines que de parfumeurs… Dans certaine fragrance, cette pivoine exaltera sa facette fleurie et opulente proche de la rose, chez d’autres on la trouvera plus musquée ou plus discrète comme un muguet venant d’éclore.
Depuis 2004, le bois de Oud fait une percée dans les marques de niche comme M.Micallef ou dans les collections de la parfumerie sélective. Alors qu’on le trouvait presque exclusivement dans les parfums masculins, depuis quelques années il est aussi très employé dans les parfums féminins ou les parfums dits mixtes comme Rose Anonyme d’Atelier Cologne ou Oud Ispahan de Dior. En 2013, on a pu le sentir dans Amber Oud de Nicolaï. Une tendance se profile aussi vers l’utilisation des notes santal, un autre bois très rare et qualitatif.
D’autres notes utilisées comme la myrrhe et ces bois précieux sont évocatrices de voyages vers l’Orient. Dans la parfumerie confidentielle, deux matières sont actuellement privilégiées, l’iris et le cuir que l’on retrouve entre autres dans Iris Prima de Penhaligon’s, Irish Leather et Italian Leather de Memo, Silver Iris et Gold Leather de Atelier Cologne… Le Yuzu a également fait parti des ingrédients phares de 2011 mais son utilisation semble s’être ralentie. À y regarder de plus près, on le trouvait déjà en 1994 dans Le Troisième Homme de Caron… Globalement chez les hommes, les fougères sont en perte de vitesse devant les boisés.

LES CONCEPTS MARKETING ET LES COMMUNICATIONS

Plusieurs autres tendances sont apparues comme les collections, les parfums de stars, les sagas, le thème de la nuit, les contes de fées très girly. Ce dernier thème se rapproche, avec toute la sensualité qu’il dégage, de celui de la danse très présent en communication visuelle avec Repetto (plus que légitime dans ce domaine) mais aussi Iris Prima de Penhaligon’s, Satine de Lalique. Un effet suite au film de Black Swan en février 2011 ? L’atmosphère de la danse est par ailleurs utilisée dans de nombreux autres domaines que celui de la parfumerie.
Dans les parfums masculins, le sport et la nuit sont récurrents. Déjà présents dans les linéaires, ces concepts marketing et communication résultent plus d’une continuation que d’une réelle nouveauté par rapport aux années précédentes. En 2013, on y trouve avec entre autres Déclaration d’un soir de Cartier, Kocorico By Night de Jean Paul Gaultier et Encounter de Calvin Klein.
De même en matière de packaging et de nom, le noir (en particulier chez les hommes) a été une tendance émergente en 2012-2013 avec Noir de Tom Ford et Amen Pure Malt de Thierry Mugler. Pourtant cette couleur, considérée par certain parfumeur comme chargée d’une sensualité presque animale, commence à laisser place à son parfait opposé chromatique et conceptuel, le blanc qui évoque une certaine pureté, une certaine candeur… Un retour initiatique annoncé ?

LA PÂTISSERIE ET LA PARFUMERIE, INTIMEMENT LIÉS

En 2013, il n’y a pas eu de réelles nouvelles tendances. Les parfums sortis sont restés dans la continuité de ce qui se fait depuis plusieurs années… Un retour à l’enfance se fait cependant sentir avec une émergence des senteurs propres aux valeurs sûres de pâtisserie française. Les notes gourmandes transcrivent-elles un besoin de se protéger du monde extérieur ? La gourmandise serait-elle le nouveau créneau refuge par rapport à la crise ? La gourmandise semble être un vecteur de développement de la parfumerie. Vecteur amorcé en 2010 avec la sortie du livre La cuisine Des Nez aux Éditions Terre Bleue puis avec Au Cœur Du Goût en 2012, un ouvrage conjointement réalisé par Pierre Hermé et Jean-Michel Duriez aux Éditions Agnès Viénot ? Côté parfums, peut-on considérer que Jeux de Peau de Serge Lutens aux délicieuses notes de biscottes grillées est le parfum qui a instauré cette tendance ? À l’instar des notes fruitées, va-t-on assister à une overdose de ces notes gourmandes ?
Autre tendance traduisant un besoin de retour à l’enfance, la fleur d’oranger, omniprésente dans bons nombres de parfums. Aujourd’hui, 70% des parfums femmes sont des fleuris devant les orientaux, les hespéridés et les chyprés. La fleur blanche est à l’honneur avec cette fameuse fleur d’oranger mais aussi le néroli, l’ylang-ylang, la fleur de tiaré. Ces fleurs sont traitées dans de nombreux soliflores sur le marché des niches (Annick Goutal, Serge Lutens, Jovoy, Evody).
La crise, que l’on retrouve dans les fragrances aux notes cocooning, se fait également sentir par rapport au nombre de lancements (en France) nettement inférieur au nombre de lancements, sur la même période, des années précédentes. La quantité est-elle en train de céder sa place à plus de qualité, en particulier dans les marques qui axent souvent tout sur les concepts marketing au détriment d’une vraie recherche olfactive ?

INFORMATIONS SUR LA PARFUMERIE

La parfumerie vous passionne ! Toute l’équipe de Cinquième Sens, dirigée par Isabelle Ferrand et constituée d’une équipe à la pointe de l’expertise en parfum, vous propose toute l’année des stages et formations qui vont de l’initiation au perfectionnement. La parfumerie n’aura plus de secret pour vous… Centre de formation Cinquième Sens, 18, rue de Monttessuy, 75007 Paris. Tel. : 01 47 53 79 16. Horaires : lundi-jeudi : 9h – 18h, vendredi : 9h – 13h sur RDV. Parking 25 quai Branly. Stations Velib Quai Branly, 3 avenue Bosquet et 43 avenue Rapp.