Le 22 octobre 2001 avait lieu au Musée des Beaux-Arts de Chartres, l’inauguration de « Kannibals et Vahinés, les sources de l’imaginaire ». Une exposition qui tente de faire comprendre l’influence de la découverte des peuples océaniens sur l’imaginaire européen.

UNE COLLECTION D’UN MILLIER DE PIÈCES

L’exposition « Kannibals et Vahinés, les sources de l’imaginaire » a été pensée comme une introduction à celle de Paris, intitulée « Kannibals et Vahinés, imagerie des mers du Sud ». En effet, les objets présentés – pour la plupart des illustrations ou des gravures et dessins – ont souvent été collectés lors de l’arrivée des Européens dans les îles du Pacifique. Cependant, pour présenter au public une exposition assez complète de tout ce qui a été créé à la suite de ce contact, certains objets plus récents y sont également présentés. Le musée des beaux-arts de Chartres possède un ensemble d’un millier de pièces composant le fond Bouge. Ce fond est une collection ayant été léguée au musée en 1970 par Emma Quille, la femme de L.-J. Bouge qui fut entre autre gouverneur de Wallis en 1911. Cet homme fut, à son époque, très intéressé par toutes les cultures océaniennes et indigènes. Lors de ses différentes escales, il avait alors commencé à rassembler et constituer une collection dans un but purement ethnologique. Tailles-Douces, lithographies, dessins, photographies… constituent cette collection très complète, dont seules 300 pièces sont exposées.

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Herminette en jadéite, bois, fibre végétale, du fond Bouge.

L’ÉVOLUTION DU MYTHE DU PARADIS SUR TERRE

Claude Stéfani, l’attaché de conservation de ce fond, explique le processus psychologique qui s’est produit sur les Européens depuis la découverte « les marins qui ont débarqué dans les îles du Pacifique ont tout d’abord été fascinés par ce qu’ils voyaient ». C’est le schéma connu lié au voyage de Bougainville. Les premiers poncifs concernant le Pacifique apparaissent donc à cette époque. « Puis avec l’histoire de La Pérouse et le massacre de Cook, un sentiment de répulsion apparaît alors chez chaque Européen ». Désormais, à ce moment-là, l’Européen voit le Mélanésien comme un anthropophage, et le Polynésien comme un être lascif. « Depuis le XXe siècle, nous sommes de nouveaux dans une phase de fascination ». Certains vont même jusqu’à dire que les Polynésiens se sont approprié le mythe du Paradis sur terre, ce même mythe ayant été créé par les Européens, et s’en servent désormais pour vendre la destination aux touristes !

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Sculpture d’Andréas Dettloff.

UNE EXPOSITION POUR TORDRE LE COU AUX CLICHÉS

L’exposition est présentée comme une sorte de dialogue entre les images et les objets. Ce qui est visible sur les images présentées, l’est, lorsque cela est possible, dans des vitrines placées en vis-à-vis de ces images. « Les gens se sont trompés sur ce qu’il voyait » poursuit Claude Stéfani. Cependant à contrario de l’expo de paris, celle de chartes, à aucun moment, n’avertit le public que cette vision européenne des peuples du pacifique ne concordait pas forcément avec la réalité. Une vision présentant le couple « maudit », le cannibale mélanésien et la vahiné polynésienne, vision où la vahiné n’est pas si angélique que cela. Dans l’esprit des Européens de l’époque, même si cette jolie vahiné ne mangeait pas les êtres humains « comme les kanaks cannibales », elle cannibalisait tout de même l’âme des marins. À l’heure actuelle, on dirait plutôt vampiriser. Claude Stéfani pose la question ouvertement « les nouveaux primitifs : reconnaissance tardive ou ultime méprise ». Car cette exposition, tout comme celle de Paris, est là pour permettre au public d’apprendre à décoder les clichés dont les océaniens ont toujours été victimes. Une manière de dire « les gens du Pacifique sont comme tous les êtres humains. Ni plus, ni moins ».

Herminette en jadéite, bois, fibre végétale, du fond Bouge.

Crâne (trophée) auquel on a ajouté des dents de porc, du tapa, une étoffe, de la nacre et de la bourre de coco.

Sculpture d’Andréas Dettloff.

Cette photographie d’un anonyme est intitulée « portraits de deux jeunes filles blanches vêtues en tahitienne ». La date n’est pas indiquée.

Aquarelle de M. Radiguet représentant deux vahinés vêtues à l’européenne.

Faire-part de décès du roi Pomaré V.

Ce dessin au crayon représentant Manini, sœur de la reine de Tahiti, a été réalisé par l’Amiral Fauque de Jonquières.

Ce dessin au crayon représente Maraou, reine de Tahiti, en 1880, c’est-à-dire 5 ans après son mariage avec Pomaré V. Copyright musée de Chartres.

Tahitienne dessinée au crayon par E. Fauque de Jonquières vers 1880.

Cette lithographie présente un marquisien tatoué habillé d’un costume typiquement européen de cette époque (1842).