Préparation du repas. Cette peinture ornait un des murs du Maeva Beach, hôtel détruit en 2014.

La Polynésie Française est un paradis pour la cuisine. Par sa situation géographique et son climat, elle offre tout ce que qu’une nature bienveillante et une terre fertile peuvent produire tout au long de l’année. Des fruits, des légumes, du poisson, des crustacés et viandes à profusion. Une corne d’abondance qui a permis une créativité des recettes traditionnelles ou contemporaines. Tama’a maita’i !

La cuisine traditionnelle Polynésienne ou ma’a Tahiti repose sur trois piliers fondamentaux : un végétal ou ma’a (base de l’alimentation), un accompagnement animal ou ina’i (poisson ou viande) et une sauce ou miti à base de lait de coco ou d’eau de mer. De ce principe sont nées de nombreuses recettes enrichies au fil du temps par les influences occidentales et asiatiques, les échanges entre cultures. La cuisine a toujours été au centre de la vie sociale et culturelle des Polynésiens.

Poisson mariné à la Tahitienne ou poisson cru au lait de coco.

LES PRODUITS DE LA MER, PIERRE ANGULAIRE DE LA CUISINE TRADITIONNELLE TAHITIENNE

Le poisson mariné à la Tahitienne ou poisson cru au lait de coco est LE plat emblématique. C’est aussi l’une des recettes les plus simples à réaliser de retour en métropole puisque la liste des ingrédients n’est pas exhaustive. Thon (généralement coupés en petits dès), concombre, tomates, oignons émincés, citrons verts et lait de coco suffisent à cuisiner ce délice rafraîchissant. Le citron sert à cuire le poisson. Une multitude de poissons comme la bonite, le thon, l’espadon, l’ature, le mahi mahi, le perroquet, le thazard ou la carangue peut être utilisée pour cette recette. La plus classique est celle au thon. La plupart des Polynésiens préfèrent leur poisson cru juste arrosé de jus de citron, sans légumes, et trempé dans du lait de coco ou du miti hue. Ce plat est généralement servi lors du tamara’a (repas de fête) tout comme le fāfaru.
Autre spécialité de poisson, les beignets de ina’a. Ces alevins de gobides naissent dans les embouchures des rivières. Ils sont vendus sur les marchés ou à la criée dans les rues de juin à septembre. Leur pêche est une véritable fête à laquelle participent toutes les familles de pêcheurs des environs. Les pahua (bénitiers) au taioro sont dégustés le dimanche durant le brunch. Dans la variante plus métropolitaine, les praires peuvent remplacer les bénitiers. Autres gourmandises à tester, la cigale de mer (tiane’e) grillée, dont le goût très fin se rapproche de celui des langoustes, et le varo (squille ou crevette-mante) également appelé mante religieuse des mers. Ce dernier possède des pattes aiguisées comme des rasoirs et se déplace à la vitesse d’un éclair. Sa pêche autorisée de février à octobre peut donc être dangereuse pour les non-initiés. Le poisson vedette des restaurants polynésiens reste le mahi mahi. Simplement grillé avec une sauce au beurre de citron, c’est un vrai régal !

Le marché de Papeete.

LA CUISINE QUOTIDIENNE ET FAMILIALE DES MAMAS

Les mijotés et sautés sont légion dans la cuisine traditionnelle des mamas Polynésiennes. Pourtant, autrefois l’absence de métaux et de poterie en Polynésie Française excluait totalement ces modes de cuisson, très populaires aujourd’hui. La plupart des recettes de viandes sont cuisinées ainsi. Le pua’a chou, comme son nom le laisse supposer, est un plat à base de cochon (pua’a), de choux et de carottes. Le poulet fafa est un classique mijoté à base de poulet et de feuilles de taro. Dans les familles plus modestes, la spécialité du soir reste le poulet aux petits pois mijoté avec de la sauce « soyou » ou black soy, une sauce de soja épaisse et très salée composée entre autre de sirop de maïs, de sucre, de farine de blé et d’extrait de champignons. Le punu pua’atoro ou corned beef (bœuf en boîte) sauté avec des oignons est aussi un plat populaire et très bon marché. Classé produit de première nécessité, il permet de manger de la viande dans les îles les plus reculées n’ayant pas accès à l’électricité ou lorsque les moyens de conservation sont limités. La plupart des plats polynésiens s’accompagnent de riz.
Tout bon repas se termine par un dessert. Et la Polynésie Française n’est pas en reste de ce côté là. Qu’il soit de banane, de papaye, de ape (tubercule), de mape (châtaigne tahitienne) ou de potiron, le poe est le dessert typique polynésien réalisé à base de purée de fruit et de farine de tapioca, généreusement arrosé de lait de coco lorsqu’il est servi. Les petits Polynésiens sont friands des bonbons coco, citron ou seurettes. Les petits déjeuners du dimanche ou les goûters sont souvent constitués de gâteaux bananes ou crêpes bananes, de firi firi (beignets frits au lait de coco), de pai (petits chaussons fourrés à la goyave, à l’ananas, à la banane…) ou de pain coco.

Taros et bananes au marche de Papeete.

LA CUISINE CHINOISE DE TAHITI ET SES ÎLES

Au fil du temps, la cuisine traditionnelle de Tahiti et ses îles s’est largement ouverte aux influences occidentales mais aussi chinoises, à travers l’importante communauté de l’Empire du Milieu installée dans toute la Polynésie Française. Les premiers chinois (un millier en tout) des tribus Hakkas et Puntis du Kwantung sont arrivés en 1865 pour compenser le manque de main d’œuvre locale sur l’exploitation de coton, café et canne à sucre de William Stewart. Plusieurs vagues d’immigration (notamment entre 1907 et 1914 et entre 1921 et 1928) ont permis à d’autres chinois de s’installer au fenua, emmenant dans leurs bagages une quantité importante de recettes toutes aussi délicieuses les unes que les autres. Voyager en Polynésie Française c’est donc aussi goûter à la cuisine chinoise de Tahiti et ses îles, présente à tous les coins de rue. Pour l’apprécier à la locale, rien ne remplace un dîner aux roulottes du front de mer sur le port de Papeete, place Vai’ete. La cuisine traditionnelle chinoise s’inspire des cinq saveurs (sucré, salé, piquant, aigre ou acidulé, amer) et des quatre consistances. De nombreuses recettes chinoises de Tahiti et ses îles ont conservé leur caractère originel, d’autres se sont adaptées aux produits tropicaux et enfin certaines sont de pures créations désormais considérées comme traditionnelles Polynésiennes. Le ma’a tinito, qui signifie plus globalement le repas chinois, est au départ une recette de porc aux haricots rouges. Le chao men Tahiti (ou chow mein) – un mélange de nouilles asiatiques, de porc sauté, de blanc de poulet, de crevettes, d’omelette et de légumes – est un incontournable dans lequel l’ordre des opérations lorsqu’il est cuisiné a une importance capitale.

Miti fāfaru vendu au marché de Papeete.

LE FĀFARU, LE GOÛT EXTRÊME DE LA POLYNÉSIE

Le fāfaru est LA spécialité qu’il faut avoir goûté pour une expérience 100% polynésienne. Un rite initiatique pour tout voyageur qui se respecte. L’odeur forte est parfois insupportable. Certains aiment plaisanter devant ce plat « difficile à manger mais facile à vomir ». Une façon de tester les plus courageux prêt à dépasser leur à priori et se lancer dans cette expérience inédite. Lorsqu’un popa’a (blancs ou étrangers) affiche une mine dégoûtée devant ce plat, les polynésiens lui répondent souvent qu’il apprécie bien le fromage alors pourquoi pas le fāfaru ! La recette du fāfaru c’est comme la recette du monoï maison. Il n’y a pas une recette mais autant de recettes que de familles polynésiennes. Chacune a la sienne avec une tolérance de goût qui lui est propre. Il existe des fāfaru de poissons (différents poissons comme les poissons du lagon tels que les manini), de chevrettes (crevettes de rivière), parfois de bénitiers (pahua). Le goût final dépendra beaucoup de la préparation initiale. Il faut d’abord confectionner une sorte de saumure – le miti fāfaru – de têtes de crevettes (par exemple) écrasées dans de l’eau de mer du large ou du récif. Cette macération peut durer entre 2 jours à quelques semaines. Pour réussir ce miti fāfaru, quelques règles s’imposent comme ne jamais utiliser d’eau douce que ce soit pour la préparation du liquide ou pour rincer le filtre en tissus, mais aussi ne jamais utiliser différentes espèces de poissons. Dans le fāfaru de thon, il n’y a que du thon ! C’est dans ce mélange fermenté puis filtré que les filets de poisson ou les chevrettes de la recette sont mises à mariner quelques heures. Les temps de macération et de marinade dépendent des goûts de chacun. La saumure d’eau de mer est souvent comparée au Nuoc-mâm vietnamien. Le fāfaru se déguste très souvent nappé de miti hue, un condiment élaboré à base d’amande râpée de noix de coco encore vertes fermentée avec de l’eau de mer et des têtes de chevrettes écrasées. Il est également servi lors du tamara’a, le repas de fête organisé lors d’un mariage, du retour au fenua (pays) d’un enfant, d’un baptême ou d’une cérémonie religieuse.

L’ouverture du ahima’a est une grande fête pour tous.

LE AHIMA’A OU FOUR TRADITIONNEL POLYNÉSIEN

L’une des viandes les plus appréciées des Polynésiens est très certainement le cochon notamment le cochon de lait qui se déguste lors du repas traditionnel (tamara’a) au four tahitien (ahima’a). Pour celui qui va à Tahiti ou dans ses îles, ce festin cuit à l’étouffée est à tester absolument. De nombreux hôtels le proposent le dimanche. Le ahima’a est un trou creusé dans la terre, qui peut mesurer jusqu’à 1 mètre de profondeur et plusieurs mètres de périmètre. Il est ensuite tapissé de branches sèches disposées en quinconce, de bourre de coco puis de pierres volcaniques. Ces dernières sont utilisées en raison de leur pouvoir d’incandescence. Le feu est allumé et entretenu et lorsque les pierres sont rouges, elles sont recouvertes de feuilles de bananiers. Tous les aliments à cuire, d’abord déposés dans des paniers de palme de cocotiers, sont ensuite placés sur ce lit de braises : petit cochon de lait (pua oviri), uru ou maiore (fruit de l’arbre à pain), umara (patates douces), ufi (ignames), maniota (manioc), taro (tubercule farineux dont le goût est proche de la patate douce), fei (une sorte de banane plantain des montagnes), ei’a (poissons du large), fafa (feuille comestible d’une certaine variété de taro à l’aspect d’épinard), tarua (tubercule dont le goût se rapproche de la pomme de terre), poe, langoustes… Les aliments sont superposés en fonction de leur temps de cuisson. Le tout est ensuite recouvert de feuilles de bananiers puis de sacs de coprah et enfin de terre ou de sable. Cette cuisson à l’étouffée va durer entre 3 et 4 heures. L’ouverture du four est une véritable fête avec chants au rythme des ukulélés, danses, sacrements… L’organisation du ahima’a lors du tamara’a est l’occasion pour tous, jeunes et anciens, de se retrouver autour d’un repas et de partager, chacun ayant un rôle prédéfini dans l’organisation des étapes de préparation. Les plats se mangent généralement avec les doigts. La plupart des recettes polynésiennes se dégustent arrosées de Hinano, la bière locale dont les Polynésiens sont très fiers… Ou de vins de Tahiti du Domaine Dominique Auroy.

Scène de vie quotidienne. Cette peinture ornait un des murs du Maeva Beach, hôtel détruit en 2014.

Une vendeuse de fruits au marché de Papeete.

Du poisson sur les étals du marché de Papeete.

Un crabe de cocotier à Moorea.

Pamplemousse vert de Tahiti.

Uru ou maiore, fruit de l’arbre à pain.

Anone cœur de bœuf.

Le poe, délicieux dessert polynésien.

Les cochons de lait cuits dans le ahima’a.

Certains aliments fragiles sont délicatement emballés dans des feuilles de bananier.

Le fāfaru a une apparence plutôt inoffensive…