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Qu’est-ce que la filariose? Quel est le vecteur principal de cette maladie peu connue en France métropole? Comment s’en protéger? Une conférence donnée à Paris a permis de faire le point sur une maladie encore présente en Polynésie Française.

Anna-Bella Failloux chercheur à l’institut Pasteur a donné une conférence sur un sujet qu’elle connaît bien : la filariose de Bancroft. Ce chercheur a fait parti de l’institut Louis Malardé et c’est sur la demande des organisateurs de l’exposition Recherche en Outremer à la Cité des Sciences et de l’Industrie qu’elle a accepté de partager avec un public très attentif, ses connaissances et les résultats de ses recherches sur cette maladie.

CYCLE BIOLOGIQUE DU MOUSTIQUE AEDES POLYNESIENSIS

Cette maladie est due à un parasite, transmis par un moustique Aedes Polynesiensis, dont le cycle de maturation se fait entre 13 et 15 jours. La larve de ces parasites s’étant logé dans un moustique va donc sortir au bout de 15 jours et être injectée chez un humain, grâce à la salive de l’insecte infecté. Puis la larve se transforme en vers adulte. La femelle de ce parasite peut mesurer jusqu’à 10 cm et se fige dans le système lymphatique et les ganglions, provoquant alors une gêne et une perturbation de la circulation lymphatique. Ce qui bien des années après provoque une maladie terrible : l’éléphantiasis (thème du très célèbre film de David Lynch, Elephant Man). La plupart des humains atteints de cette maladie sont des personnes âgées, car la maladie a une durée d’incubation qui peut atteindre 20 ans. Pour savoir si on pense l’avoir attrapé, et par conséquent être soigné, il suffit de subir une sérologie par un médecin.

UNE MALADIE ENDÉMIQUE PRÉSENTE DANS LES ÎLES HAUTES

Cette maladie est endémique en Polynésie c’est-à-dire qu’elle est présente toute l’année. Le moustique responsable de cette maladie est diurne, il pique donc le jour. Il est exophile et exophage et se développe exclusivement dans toute une série de petites collections d’eau. La transmission du virus est relativement faible sur les îles coralliennes et plus intense dans les îles hautes. Lors de la ponte la femelle engendre entre 50 et 100 œufs.
Ce parasite originaire d’Asie du Sud-Est a émigré vers l’Ouest et vers le Pacifique. Une ligne Nord-Ouest et Sud-Est appelée ligne de Buxton coupe le Pacifique en deux, en fonction de la périodicité. La variété de filariose présente en Polynésie Française est la Pacifica.
Les larves des moustiques responsables de cette maladie, vont coloniser des gîtes tels que les noix de coco rongés par les rats, les terriers de crabes, les pneus qui jouent un rôle important dans la circulation des moustiques, les creux d’arbres. Sur l’île de Rapa, par exemple, il n’y a pas de moustiques car les terriers de crabes sont inexistants. La nappe phréatique est trop profonde pour que le crabe installe son terrier.

LES DIFFÉRENTS MOYENS DE LUTTE CONTRE LA MALADIE

Les deux moyens existants pour lutter contre la filariose sont d’agir sur le réservoir de parasite c’est-à-dire l’homme – Il y a pour cela des campagnes de masse pour la distribution de Notézine – ou d’agir sur le vecteur c’est-à-dire le moustique. Il existe des actions directes : la lutte chimique à l’aide d’insecticide, la lutte biologique qui consiste à contrôler les populations de moustiques par l’implantation de micro crustacés qui mangent les larves, la lutte génétique, la lutte mécanique qui consiste par exemple à baguer les cocotiers. Les micro crustacés utilisés dans la lutte biologique sont des agents qui ne supportent cependant pas la dessiccation. Les autres agents utilisés, pour manger les larves des moustiques responsables de la filariose, sont les moustiques papillons qui eux supportent mal la sécheresse et le froid.
De nombreux travaux ont été réalisés après la seconde guerre mondiale. La molécule de Notézine est depuis longtemps utilisée (1957). À la création de l’institut Pasteur, en 1949, cette maladie existait en Polynésie Française avec un taux de 35% de la population qui était atteinte. À l’heure actuelle, c’est moins de 1% de la population qui possède cette maladie. Mais lors des campagnes de Notézine, les personnes ne la prennent pas pour eux mais la donne à leur chien (chez qui la filaire se fixe dans le cœur). Des études très coûteuses sont actuellement effectuées sur de petits rongeurs, mais cependant les causes de cette maladie restent encore un mystère pour les chercheurs.

DES RECHERCHES EN OUTREMER

Pourquoi effectuer des recherches exclusivement en Outremer? Pour plusieurs raisons dans le cas de Anne-Belle Failloux. Tout d’abord pour la richesse naturelle présente dans ces territoires et parce que ces moustiques ne sont présents qu’en Outremer. Anne-Belle Failloux travaille actuellement sur les systèmes vectoriels et sur le développement des marqueurs. Ses résultats les plus récents concernent essentiellement la dengue et la transmission par le moustique. Dans ces nouvelles recherches la Polynésie ne représente qu’une partie des résultats qui englobent d’autres pays tels que Madagascar, La Réunion, la Guyane, le Cambodge…

Par Maeva Destombes

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