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La Gallicolombe de la Société appelée aussi tutururu est une tourterelle terrestre très peu farouche et très curieuse. Elle glane sa nourriture, jeunes pousses de végétaux, d’insectes et de minuscules graines, au sol. Elle ne vole ou ne se perche sur les arbres que très secondairement. Aussi est-elle particulièrement vulnérable aux prédateurs. © DR

Une conférence donnée à la Cité des Sciences et de l’Industrie a permis d’évaluer l’ampleur du problème de l’extinction de certains oiseaux endémiques de Polynésie Française.

Caroline Blanvillain a conclu sa conférence par une question à laquelle chacun devrait essayer de répondre : Qui prendra le relais pour sauvegarder les espèces d’oiseaux endémiques en voie d’extinction? Car Caroline, qui vit et travaille actuellement en Polynésie, va repartir en métropole d’ici un an. Ancienne spécialiste des bovidés et des cervidés, elle est à l’heure actuelle la seule personne qui travaille à temps complet sur ce sujet en Polynésie, pour lequel elle est payée par pour la société d’Ornithologie de Polynésie. Elle forme des polynésiens, mais sauver des oiseaux ne peut se faire que grâce à des programmes menés à moyen ou long terme. Elle espère qu’une prise de conscience sera très rapidement réalisée car ce problème constitue une perte irréversible du patrimoine actuel des îles de Polynésie. L’extinction est une chose irréversible. Une fois qu’une espèce a disparu, il est impossible de la faire renaître.

QU’EST-CE QU’UNE ESPÈCE ENDÉMIQUE ?

Une espèce endémique est une espèce qui n’existe que dans une zone géographique donnée. Plus précisément ce sont des espèces qui, en ce qui concerne la Polynésie, n’existent qu’ici et nulle part ailleurs. La probabilité pour que les espèces d’oiseaux endémiques les plus menacés disparaissent dans les 5 ans à venir est de 50%. Les polynésiens « ignorent » beaucoup qu’ils ont eux aussi des oiseaux contrairement à la Nouvelle-Zélande où 1500 personnes agissent dans le domaine de la sauvegarde des oiseaux (chez eux il y a le même nombre d’espèces endémiques en voie de disparition), soutenu et financé par le gouvernement.

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La Fauvette des Marquises est une mangeuse d’insectes, comme le monarque. Cette espèce se porte plutôt bien mais la disparition de son habitat, les bamberouseraies et le buzard pourraient être une menace pour sa survie en particulier à Tahiti. © DR

DE NOMBREUSES ESPÈCES ENDÉMIQUES MENACÉES

Ces dernières années, on a assisté à un renouveau de la culture maohi (langue, Tatouage…). Les oiseaux font partie de la culture polynésienne. Combien existe-t-il de légendes sur eux! Ils constituent un potentiel économique qui pourrait être développé car les touristes se tournent de plus en plus souvent vers l’écotourisme : voir en Polynésie, dans la nature et pas en captivité, des espèces d’animaux qui n’existent pas ailleurs constitue un attrait certain à ne pas négliger.
Or la Polynésie possède 26 espèces d’oiseaux endémiques alors qu’en comparaison, la France métropolitaine n’en compte qu’une. On trouve dans nos îles 5 espèces de Pigeons Verts, 2 espèces de Tourterelles, 2 espèces de Pigeons Géants ou Carpophages, 4 espèces de Martins Chasseurs, 4 espèces de Fauvettes 4 espèces de Monarques (plus populairement appelés Gobes-Mouches), 1 espèces de Salangres, 1 espèce de Bécasseaux Polynésiens, et 3 espèces de Lori (petite perruche). Autant dire un fabuleux patrimoine naturel. Les espèces les plus menacées sont au nombre de trois : le monarque de Tahiti (O’mamao ou Gobe Mouche), la gallicolombe de la société (Tutururu ou Tourterelle terrestre) et le Carpophage des Marquises (Upe ou Pigeon Géant). Ce ne sont pas les seules!

DIX-HUIT ESPÈCES MENACÉES D’EXTINCTION

Parmi les 26 espèces de Polynésie 18 sont également menacées d’extinction! La menace provient la plupart du temps de l’introduction par l’homme d’un ou plusieurs prédateurs sur les îles où vivent ces espèces. Ce sont des oiseaux peu productifs, ils engendrent généralement un petit par an, et malheureusement se méfient peu de ces prédateurs puisqu’ils ont vécu sur des îles vierges de prédateurs pendant des milliers d’années avant l’arrivé de l’homme sur ces îles. Mais d’autres causes existent comme la modification de l’habitat humain et l’introduction par exemple de plantes qui nuisent à ces espèces. Ou le surpâturage par les ruminants introduits (mouton, chèvre, vache, cheval…) par les Européens. La plupart des espèces endémiques menacées ne survivent plus que sur une île où l’introduction d’un prédateur leur serait fatale. D’où l’importance d’une meilleure prévention et information du public en ce qui concerne l’introduction d’espèces étrangères sur ces îles.

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Le Upe ou Carpophage des marquises est un pigeon géant (presque un mètre d’envergure) mangeurs de gros fruits, de feuilles et d’insectes qu’il cueille ou glane au sommet de la canopé. ses arbres de prédilection sont les Ficus, les Badamiers et les autres arbres et arbustes endémiques des Marquises pour lesquels il joue le rôle essentiel de disséminateurs de graines. Il existait autrefois un pigeon géant sur l’île de Tahiti, le Rupe, mais il a disparu à cause de l’introduction du Buzard. Censé éliminer les rats ce dernier n’a fait que procéder à la disparition des pigeons géants. © DR

UN RAJEUNISSEMENT DE LA POPULATION DE MONARQUES DE RAROTONGA

Caroline et les personnes qui travaillent avec elle, dont les membres de la Société d’Ornithologie de Polynésie, ont effectué de nombreuses recherches sur ces trois espèces menacées. Elle nous parle donc des résultats de ces recherches.
Le cousin du Monarque de Tahiti, le Monarque de Rarotonga qui était menacé par la prédation exercée par les rats, a pu être momentanément sauvé. La colonie comportait au départ 36 oiseaux. À l’heure actuelle, la population de Monarque a pu être ramenée à 200 individus, un nombre à peu près égal la quantité de touristes qui viennent chaque année en Polynésie exclusivement pour voir ce miraculé des mers du sud. Le monarque de Tahiti, quant à lui, ne survit que dans 4 vallées de l’île. Au début de l’observation, Caroline avait dénombré une colonie de 25 individus dont 3 jeunes. En trois ans, 12 jeunes ont survécu à l’envol. Mais la population de cette espèce est toujours de 25 car les vieux oiseaux sont morts. On a donc pu rajeunir la population de cette espèce en attendant l’accroissement des individus la constituant. Sa particularité est d’avoir un plumage de couleur différente selon l’âge : jusqu’à l’âge de 4 ans cet oiseau à des plumes orange, après 4 ans, son plumage devient noir. D’où la facilité pour l’observer et déterminer le rajeunissement de la colonie.

DES ENNEMIS INTRODUITS PAR L’HOMME

Le principal danger pour cette espèce est le rat, qui mange les oeufs dans leurs nids. Un des moyens pour empêcher cela fut de dératiser les vallées, mais aussi de baguer les arbres sur lesquels vivent ces oiseaux (Pispis ou Tulipier du Gabon). Mais le rat ne constitue pas le seul danger pour cette espèce. En effet, les espèces introduites (Merle des Moluques et Bulbul) s’attaquent aux adultes et aux jeunes Monarques. L’idéal serait de diminuer le nombre d’individus de ces deux espèces introduites mais dans le pire des cas, plusieurs solutions pourraient être appliquées. Capturer les monarques et les élever en captivité. Collecter des oeufs dans les nids, les faire éclore, les élever puis les relâcher une fois qu’ils sont capables de survivre dans la nature. Ces techniques sont actuellement réalisées à Hawaii où elles fonctionnent très bien. La Société d’Ornithologie de Polynésie envisage d’importer cette technologie.

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Le monarque de Tahiti ou O’mamao est un gobe-mouche dont le plumage vire de l’orange au noir vers l’âge de 4 ans. Il se reproduit d’Août à Décembre, et ne fait qu’un seul jeune par couvée… Les Merles et les Molluques, introduits à l’époque pour lutter contre les guèpes de feu et les Bulbul qui dévorent les fruits, sont une menace qui se rajoute au problème de la prédation exercée par les rats. Les 25 monarques des vallées de Paea et de Punaauia pourraient être dévorés par des chats abandonnés. © DR

LA GALICOLOMBE DE LA SOCIÉTÉ

La deuxième espèce en voie de disparition, qui fait partie des recherches et études de Caroline, est la Galicolombe de la Société appelée Tutururu. De 1920 à nos jours, l’aire de répartition de cette petite tourterelle terrestre, qui est par ailleurs une espèce extrêmement confiante et très attachante, s’est réduite d’une île tous les 4 ans. À l’heure actuelle, on ne connaît plus qu’une dernière population de 12 à 50 oiseaux sur une dernière île. L’inventaire des oiseaux et des prédateurs introduits sur 8 îles inhabitées des Tuamotu a permis d’établir que le petit rat polynésien suffisait à lui seul à provoquer l’extinction du Tutururu. D’autres causes existent : rat noir, chat, chien, cochon… Dératisation et multiplication des Tutururu en captivité sont pour l’instant les deux moyens utilisés afin de prévenir l’extinction de cette espèce.

LE CARPOPHAGE DES MARQUISES

Le Carpophage des Marquises, dont il ne reste qu’une centaine d’individus sur Nuku Hiva, est une espèce parfois encore braconnée par la population polynésienne locale. Le principal ennemi pour cette espèce est sans doute la modification et la perte de son habitat dues à des espèces végétales envahissantes et aux mammifères herbivores, mais aussi l’introduction de prédateurs des nids ou des adultes telles que le rat noir, le chat, le pigeon de Paris (comme tous les Parisiens le savent cette espèce est vecteur de nombreuses maladies).
Toutes ces raisons ont amené la Société d’Ornithologie de Polynésie à tenter d’établir une population de Carpophage sur l’île de Ua Huka, soutenu par le maire Léon Litchlé. Pour l’instant sur les 5 oiseaux qui ont été amenés sur l’île, il y a 6 mois, 4 ont survécu. Une phase d’adaptation et d’intégration qui devrait précéder un repeuplement de l’île.

DES OPÉRATIONS DE SAUVEGARDE

C’est le Programme Régional pour l’Environnement qui soutient de manière déterminante les opérations de sauvegarde du Monarque de Tahiti. Le FIDES (fond d’investissement pour le développement économique et social des TOM) a été le principal financier au début des études réalisées sur la Galicolombe et le Carpophage. Le BP conservation, lui, a permis la continuation des opérations de sauvegarde du Tutururu. Cette année, 18 jeunes du lycée Gauguin ont effectué un recensement de la Fauvette de Tahiti.

La Polynésie s’est beaucoup inquiétée de ce qui s’est passé aux Galapagos récemment et des conséquences de la marée noire sur les espèces animales présentes dans ce secteur géographique, mais elle ne doit pas oublier qu’elle aussi possède une richesse et un magnifique patrimoine au niveau de sa faune et de sa flore. L’extinction d’une espèce n’est pas une fatalité sur laquelle l’homme ne peut agir et réagir. L’homme peut lutter contre le phénomène de disparition. Caroline qui fera une conférence très bientôt en Polynésie, laquelle sera suivie le lendemain par une table ronde avec le gouvernement, nous livre un message à méditer « La terre ne nous est pas donnée par nos parents, elle nous est prêtée par nos enfants… lesquels risquent bien de nous demander un jour ce qu’on a fait de leurs oiseaux ».

Pour soutenir les actions en faveur de la sauvegarde des Oiseaux de Polynésie ou devenir membre de la Société d’Ornithologie de Polynésie, une seule adresse : BP 21098 Papeete.

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Le pigeon vert des Marquises mange et dissémine des fruits de petites tailles. © DR

CINQ ESPÈCES EN DANGER

Upe : Le Upe ou Carpophage des marquises est un pigeon géant (presque un mètre d’envergure) mangeurs de gros fruits, de feuilles et d’insectes qu’il cueille ou glane au sommet de la canopée. ses arbres de prédilection sont les Ficus, les Badamiers et les autres arbres et arbustes endémiques des Marquises pour lesquels il joue le rôle essentiel de disséminateurs de graines. Il existait autrefois un pigeon géant sur l’île de Tahiti, le Rupe, mais il a disparu à cause de l’introduction du Busard. Censé éliminer les rats ce dernier n’a fait que procéder à la disparition des pigeons géants.
Tutururu : La Galicolombe de la Société appelée aussi Tutururu est une tourterelle terrestre très peu farouche et très curieuse. Elle glane sa nourriture, jeunes pousses de végétaux, d’insectes et de minuscules graines, au sol. Elle ne vole pas ou ne se perche sur les arbres que très secondairement. Aussi est-elle particulièrement vulnérable aux prédateurs.
Pigeon vert des Marquises : Le pigeon vert des Marquises mange et dissémine des fruits de petites tailles.
O’mamao : Le Monarque de Tahiti ou O’mamao est un gobe-mouche dont le plumage vire de l’orange au noir vers l’âge de 4 ans. Il se reproduit d’Août à Décembre, et ne fait qu’un seul jeune par couvée… Les Merles et les Moluques, introduits à l’époque pour lutter contre les guêpes de feu et les Bulbul qui dévorent les fruits sont une menace qui se rajoute au problème de la prédation exercée par les rats. Les 25 monarques des vallées de Paea et de Punaauia pourraient être dévorés par des chats abandonnés.
Fauvette des marquises : La Fauvette des Marquises est une mangeuse d’insecte, comme le monarque. Cette espèce se porte plutôt bien mais la disparition de son habitat, les bambouseraies et le busard pourraient être une menace pour sa survie en particulier à Tahiti.