Bordé par le Cotentin au Nord-Est et la Côte d’Émeraude au Sud, le golfe normand-breton regorge de sites naturels d’exception à explorer lors d’un week-end. De multiples possibilités s’offrent aux amoureux de la nature de l’observer en toute quiétude, de découvrir le patrimoine maritime, de prendre un grand bol d’air iodé au rythme apaisant des grandes marées, marqueur identitaire de la région

DÉCOUVRIR L’ESTRAN ET LES TECHNIQUES DOUCES DE PÊCHE À PIED

Dans le golfe de Saint-Malo (ou golfe normanno-breton) et plus précisément dans la Baie du Mont-Saint-Michel, témoin des plus grandes marées d’Europe, lorsque la mer se retire (à la vitesse d’un cheval au galop dit-on) elle laisse place à l’estran. Une zone au nom pour le moins énigmatique appelée également zone de balancement. Des kilomètres de côtes (42Km pour la Manche) et de plages de sables fins… L’estran, une partie du littoral située entre les niveaux des marées les plus basses et les marées les plus hautes. Tout un monde peuplé d’un écosystème très spécifique, d’une biodiversité essentielle. Une faune intense d’anémones de mer, de coquillages, d’étoiles de mer, de crabes… Une flore tout aussi riche de plusieurs espèces dont les algues rouges et les d’algues brunes (laminaires). Faune et flore sont toutes deux adaptées aux variations extrêmes et fréquentes de leur environnement. À Donville-les-Bains, tout près de Granville, à marée basse, les pêcheurs d’un jour s’activent, armés de divers outils tous aussi improbables qu’utiles (mais très réglementés), et raclent le sable jusqu’à en sortir, avec un peu de chance et de dextérité, coques, palourdes, praires, couteaux, huitres, moules et autres coquillages qui feront leur repas. Car dans le cas de la pêche à pied il est interdit d’en ramasser plus que de raison. Pêcher durablement et responsable sont les maîtres mots. « Le pêcheur amateur n’en ramasse que pour sa consommation personnelle. La pêche à pied de loisir est soumise à des arrêtés préfectoraux qui déterminent la quantité maximale par pêcheurs et par jour mais aussi la taille minimale de capture pour chaque espèce, les périodes de pêche autorisées » martèle Maxime Spagnol, médiateur de l’estran. Et attention aux resquilleurs, les contrôles sont fréquents surtout en période de grandes marées.

PARCOURIR LES PRÉS-SALÉS AU HAVRE DE LA VANLÉE

Avec sa végétation foisonnante principalement constituée d’espèces halophiles (qui aiment les milieux salés dont la soude, l’obione, la salicorne, l’aster maritime, la spergulaire marine…), ses dunes changeantes et ses moutons paissant paisiblement, le Havre de la Vanlée, classé au patrimoine naturel depuis 1988 et que les locaux surnomment Le Bout du Monde, ressemblerait (presque) à s’y méprendre à la Lande Irlandaise. Située au sud de la côte des Havres dans le département de la manche, sur la commune de Bricqueville-sur-mer entre Granville et Coutances, cette zone naturelle toujours en évolution, riche en faune et flore, est le refuge de plus de 150 espèces d’oiseaux, endémiques ou migrateurs, parmi lesquels le pipit farlouse, la bernache cravant, le tadorne de Belon, le gravelot à collier interrompu, le courlis cendré, la barge rousse ou l’alouette lulu. Mais c’est aussi un territoire fertile pour l’agriculture. Et pas n’importe laquelle ! Qui n’a jamais entendu parler de l’agneau des prés-salés ? « Cette activité d’élevage d’ovins remonterait au 11e siècle ! » souligne Dominic Farrell, guide de l’Office de Tourisme Granville Terre et Mer. Les moutons grévins d’origine française ou anglaise (Suffolk, Roussin de la Hague, Rouge de l’Ouest, Vendéen, Cotentin, Avranchin ou Charollais) naissent donc sur cette terre et ne la quitte souvent que pour finir en mets d’exception (doté d’une AOP-AOC Prés-salés de la Baie du Mont-Saint-Michel). En période de grandes marées, les animaux domestiques sont précieusement mis à l’abri par les bergers. Car les pré-salés, marais salés du littoral, sont constitués de deux parties submersibles distinctes : la slikke, la partie basse un peu sablonneuse immergée à chaque marée mais sur laquelle poussent quelques plantes pionnières dont la salicorne ; le schorre, une zone beaucoup plus développée qui n’est inondée que lors des hautes marées. Les plantes végétales comestibles des prés-salés sont soumises à des régulations de récolte tels que quantité, taille, saison… Les moutons, quant à eux se nourrissent principalement de puccinelle (également appelée atropis maritime ou herbe à mouton), une graminée qui va, entre autres, donner à leur chair sa saveur aromatique et unique, naturellement salée et juteuse. Les prés-salés ont failli disparaître pour être remplacés par des polders. Les éleveurs se sont alors réunis en association pour défendre leur territoire.

SE BALADER SUR LA BAIE DU MONT-SAINT-MICHEL

Si Tombelaine avait été choisi pour y construire une abbaye, la face du monde, ou plutôt du Mont-Saint-Michel, en aurait-il été changé ? Comme son célèbre voisin, ce petit îlot de la Baie du Mont-Saint-Michel vit au rythme des marées mais lui ne reste accessible à pied que lors des marées basses. Une des manières les plus impressionnantes de saisir la singularité et la magie du Mont-Saint-Michel est de se balader, pieds nus, sur ce qui lui sert d’écrin : la baie qui l’entoure et le protège. La traversée se fait avec un guide accompagnateur touristique certifié. Il connaît la baie comme sa poche et tout au long de la balade, il détaille la géographie des lieux, le phénomène des marées, la construction de l’abbaye et du village, les légendes qui entourent ce lieu énigmatique, ce paysage de tangue (mélange de sable et de vase) façonné par les vagues à chaque marée. C’est aussi lui qui vous permettra de marcher sur les sables mouvants, sans danger. Un expérience intéressante assez loin du cliché d’un Pierre Richard dans La Chèvre. Si un danger existe, il est cependant à nuancer.

PRENDRE DE LA HAUTEUR SUR LE MONT-DOL

Chateaubriand, alors jeune collégien, adorait s’y balader le jeudi et le dimanche lors des sorties hors du pensionnat. L’auteur des Mémoires d’outre-tombe appréciait tout particulièrement l’atmosphère mystérieuse et magique du cadre. De tous temps, les voyageurs se sont montrés intéressés par ce lieu. Le Mont-Dol, tertre granitique de 65 mètres d’altitude qui domine les marais, est connu pour son oratoire, son moulin et son église Saint-Pierre. Ce qui frappe le plus, arrivé à son sommet, et encore plus en haut de la tour Notre-Dame (bénie en 1857 et surplombant le site) est sa vue époustouflante à 360° notamment sur toute la Baie du Mont-Saint-Michel avec par temps clair (et marée basse) une vision nette (avec certes une très très bonne vue) sur les milliers de pieux plantés dans la mer qui servent à la mytiliculture (les fameux « bouchots » servant à l’élevage des moules). Une altitude qui permet également de comprendre la topographie du paysage et sa découpe en polders. Un moment d’évasion, et l’imagination nous transporte qu’il y a quelques millions d’années, quand ce mont était entouré d’eau. Plus tard, au paléolithique moyen (il y 100000 ans), des chasseurs néandertaliens s’y sont installés. Un exceptionnel gisement d’os de toutes sortes (mammouths, rhinocéros laineux, cerfs mégacéros, rennes, loups, ours, lion ainsi des outils en pierre) y a été découvert en 1872. À droite de la table d’orientation se dresse le Mont-Saint-Michel et Tombelaine, à gauche Cancale. A quelques centaines de mètres, un superbe moulin à vent, inscrit au répertoire des monuments historiques. Construit en 1842 et après restauration de son toit et de ses ailes, il a retrouvé toute sa superbe. Insolite, la zone est d’ailleurs peuplé de moulins à vent qui ont été pour la plupart transformés en résidences privées. Le Mont-Dol est entouré de légendes sont l’une d’elles raconte qu’il a été le siège d’un féroce combat entre Saint-Michel et le Diable. Ce dernier aurait laissé la marque de ses griffes sur un rocher qui lui servait jusqu’à lors de siège d’observation de ses ennemis.

RANDONNER À VÉLO ENTRE TERRE ET MER À TRAVERS LES POLDERS

Après avoir pris de la hauteur sur le Mont-Dol pour les admirer en toute quiétude, parcourir les polders en vélo permet de découvrir au plus près ce territoire riche et varié, façonné par l’homme avec, en point de mire, la silhouette énigmatique du Mont-Saint-Michel. Tout commence à la Maison des Polders à Roz-sur-Couesnon. Cet ancienne longère du 17e siècle est le point névralgique d’une visite des polders. Ses deux étages déroulent, de salles en salles, toute l’histoire de ces cultures maraichères. Si Jean Quinette de la Hogue, armateur granvillais, est l’initiateur de la poldérisation de la baie en 1750, après avoir emprunté cette technique aux hollandais, ce n’est que de 1856 à 1934 que se sont construits successivement les polders tels que nous les connaissons aujourd’hui. Une construction relativement récente notamment avec la canalisation du Couesnon et la construction de digues modernes sur les herbus (terres asséchées naturellement par les forts marnages de la mer) bien que déjà en 1799 des propriétaires se soient formés en association pour la préservation des propriétés de l’invasion de la mer (Association Syndicale des Digues et Maris de Dol) et que la première digue dite de la Duchesse Anne ait été construite au 11e siècle. Aujourd’hui, ces polders d’endiguement (alors qu’aux Pays-Bas ce sont généralement des polders d’assèchement) représentent plus de 3000 hectares dans la Baie.

EXPLORER EN IMMERSION (LES PIEDS DANS L’EAU) LA NATURE GÉNÉREUSE DE LA BAIE

Accompagné d’un éducateur naturaliste de La Maison de la Baie du Mont-Saint-Michel au Vivier sur Mer, partez cueillir et goûter les plantes halophytes (ou halophiles) et comestibles des prés-salés. Grande nouveauté de l’année 2023, cette activité permet de distinguer aisément les espèces et de se familiariser avec leurs nombreux usages en cuisine. L’association propose également des sorties en camion-remorque pour rejoindre les sites de productions des moules de bouchot et des huîtres et découvrir ainsi le travail des mytiliculteurs. Autres activités proposées, les randonnées nature (5h/6h) donc celle pour s’approcher des bancs de Hermelles. L’association a également mis en place des actions notamment la sensibilisation au gravelot à collier interrompu, petit oiseau limicole. Cette adorable espèce migratrice du nord de l’Afrique arrive en Baie du Mont-Saint-Michel au début du mois d’avril pour s’y reproduire. Une fois la ponte réalisée, les adultes vont se relayer pour couver et protéger le nid pendant un mois mais les perturbations sont nombreuses et le plus grand danger pour l’espèce est l’homme qui peut, par inadvertance, marcher sur les nids à même le sable entre la laisse de mer et le bas des herbus ou laisser son chien gambader joyeusement. La couleur de leur œufs peuvent en effet se confondre avec leur environnement ce qui les rend très vulnérables.

Remerciements à Granville Terre et Mer, Destination Mont-Saint-Michel Normandie, Saint-Malo Baie du Mont-Saint-Michel, Normandie Tourisme pour l’élaboration, main dans la main, de ce programme qui a pu ainsi démontrer une parfaite cohésion et entente entre les Bretons et les Normands. Nous avons pu vérifier que leur adversité est une légende urbaine… Magazine Délices tenait à rétablir la vérité !