Différente de Majorque et longtemps sans accès direct international par avion, l’île du vent et des pierres a su être préservée et rester très authentique. Ses nombreux atouts naturels lui ont permis d’être classée « Réserve de la Biosphère ». Mais sa culture ancienne et actuelle et ses traditions peaufinent le portrait d’une île attachante.

Minorque n’a rien à envier à sa grande sœur Majorque. Depuis toujours sous les feux des projecteurs, notamment grâce à la famille royale espagnole qui a pris l’habitude d’y passer ses vacances d’été. Prisée également par les nombreux touristes, surtout les allemands, une grosse partie de son produit intérieur brut provenait de cette source financière. Majorque est devenue cependant un géant aux pieds d’argile avec l’épidémie de Covid. Plus verte que sa voisine et la plus au nord de l’archipel des Baléares, Minorque offre une palette variée de couleurs. Celle de la chlorophylle s’oppose à la terre d’un ocre rouge absolu. Le ciel, très changeant, oscille entre le bleu d’Azur et les gris profonds. Dans cette géologie vallonnée et sinueuse se posent des touches du blanc au jaune de Naples, vert de gris, rose saumon, de turquoise…

Mis bout à bout, les murets de pierre sèche avoisineraient les 11000km de longueur.

UN ART DE LA CONSTRUCTION CLASSÉ À L’UNESCO

Partout, tout au long des 45 km de longueur de l’île et des 15 km de largeur, des murets de pierre, souvent en terrasse, découpent le paysage. À Minorque, la fabrication des murets en pierres sèches commence dès le 14ème siècle. Les pierres proviennent des champs, lorsqu’ils sont labourés pour les plantations. Elles sont alors récupérées et entassées. Des parcelles de pierres empilées sans mortier sont créées pour différentes cultures. Elles permettent un roulement de ce qui est cultivé mais aussi de délimiter les propriétés. L’île est très venteuse (huit vents dont la tramontane et le mistral la martyrise de tous côtés) et relativement plate, ses seuls hauts sommets étant le Mont Toro qui culmine à 358 mètres d’altitude au centre de l’île, S’Enclusa à 275 mètres et Santa Àgueda à 264 mètres. Les murets empêchent donc aussi le vent et les éléments météorologiques d’abîmer les cultures. L’Art de la construction en pierres sèches a été classé en 2018 au Patrimoine Culturel Immatériel de l’Humanité de l’Unesco. Une demande de labellisation initiée par Chypre, la Croatie, l’Espagne, la Grèce, l’Italie, la Slovénie et la Suisse.

Naveta d’Es Tudons.

DES VESTIGES D’UNE CIVILISATION PRÉHISTORIQUE

D’autres constructions de pierre sont caractéristiques de l’île. Les navetas, talayots et taulas, sont répartis dans toute l’île. Ces vestiges mégalithiques, au nombre de 1600 en tout, sont des témoins des premières civilisations qui peuplèrent l’île. Chacune de ces constructions avait un usage déterminé. Les talayots, sorte de tours de pierre pouvant atteindre cinq mètres de haut, possédaient un rôle défensif et de contrôle des alentours. Les taulas étaient plutôt des sanctuaires où s’effectuaient des rituels et sacrifices d’animaux. Les navetas, ressemblant visuellement à des coques de navires inversées, étaient, quand à elles, des nécropoles sous forme de grottes à deux étages le plus souvent. La plus célèbre est sans nul doute la naveta d’Es Tudons. Sur la route entre Ciutadella et Mahon, à 5 km de la première ville, ce monument est le plus grand (14,5 mètres de longueur, 6,5 mètres de largeur et 4,55 mètres de hauteur) et le mieux conservé de ce type de constructions. Il a servi d’ossuaire entre 1000 et 800 avant J.C. durant la période dite talayotique. Une culture que l’Espagne souhaiterait voir classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Pour l’instant, l’examen de la proposition a été différée notamment par manque de clarification du terme « talayotique » et sa référence à une « culture » ou une « période ». La proposition d’inscription révisée sera étudiée par une mission d’expert sur le site.

MAHON, UNE CAPITALE ALLIANT TRADITION ET MODERNITÉ

D’une pierre à une autre, il n’y a qu’un pas. Minorque possède de jolis petits villages blancs, comme Fornells, un authentique village de pêcheurs, mais aussi des petites villes dont l’architecture possède sans conteste une âme. Mahon ou Port Mahon, sa capitale, est le point névralgique de l’île, très apprécié pour son port naturel. Cinq kilomètres bordant une promenade parsemée de boutiques et petits restaurants, certains très chics. Mais le plus intéressant dans cette ville, ce sont ses ruelles dans lesquelles se balader permet vraiment de goûter à la « Slow Life », de ralentir son rythme et s’imprégner de l’essence même de cette île si particulière. Maisons seigneuriales et bâtiments historiques s’égrènent tout au long d’un parcours sans but particulier, à part celui de profiter lentement de la vie. La ville, qui allie subtilement tradition et modernité, présente d’autres atouts pour les assoiffés de culture, notamment la Forteresse de la Mola (à visiter si possible avec un guide), le Musée de Minorque (qui présente des objets de la période préhistorique de l’île), l’Hôtel de ville et son horloge apportée par le gouverneur anglais Richard Kane, le Bastion de Sant Roc (vestige des anciens remparts) et l’Église Sainte-Marie et son orgue du 19ème siècle à quatre claviers. Du port de Maó (le nom catalan de Mahon), des ferries partent en direction de Barcelone, Valence mais aussi de la petite Île du Roi (Illa del Rei), située dans la baie. Cette dernière abrite depuis juillet 2021 le centre d’art Hauser & Wirth, dans l’ancien hôpital naval du 18ème siècle, d’une superficie de 1500m2, dans lequel il est possible d’admirer entre autres une des araignées (Spider 1994) de Louise Bourgeois mais également des œuvres d’Eduardo Chillida ou de Joan Miró.

L’ANCIENNE CAPITALE CIUTADELLA, FIEF HISTORIQUE ET RELIGIEUX

Alors que la ville de Mahon est située au sud-est de l’île, Ciutadella de Menorca, second noyau urbain de l’île, est quand à elle à l’extrême opposé, autrement dit le nord-ouest. Autrefois capitale de Minorque, elle est aussi une ville portuaire dont les rues médiévales et le vieux quartier ne manquent pas de charme. Palais (palais Olives, palais du Comte de Saura, palais Salort, palais Vivó), églises et forteresses s’enchaînent dans les ruelles ponctuées de petites places toujours agréables. La plupart des circuits dans cette ville partent de la Plaça Es Born, l’ancienne place d’armes de la citadelle médiévale où se dresse un obélisque érigé en 1875 en commémoration à l’héroïque défense contre l’attaque turque de 1558. En passant par la rue Major des Born, les visiteurs accèdent à la Cathédrale de Santa Maria de Ciutadella, construite sur une ancienne mosquée. Imposante, elle est dans un style « gothique catalan ». Ni trop haute, contrairement au pur style gothique, ni trop chargée en décoration, ses arches, rosaces et entretoises sont traitées différemment. Un équilibre s’établit entre hauteurs et largeurs. Les voûtes sont d’une simplicité à toute épreuve. À deux pas de la cathédrale, sur la Plaza de la Libertad, le marché municipal, reconnaissable à ses carrelages verts et blancs, promet une véritable introspection dans la vie des minorquins. Les étals de l’intérieur présentent les poissons frais du jour. Tout autour, dans une contre-allée bordée d’arches, fruits et légumes, fromages s’intercalent de petits bars bondés de minorquins lisant le journal, buvant un gin citronnade à base de Gin Xoriguer ou une bière locale, discutant… Sur le front de mer le Castell de Sant Nicolau est une tour du 17ème siècle avec douves et pont-levis. Autre édifice à visiter par les férus d’histoire, le Musée Municipal, un édifice du 17ème siècle, regroupe une importante collection d’objets préhistoriques. Et lieu emblématique s’il en est à Ciutadella, son petit port qui s’illumine et s’anime le soir venu. De nombreux restaurants y servent une cuisine de la mer, fruit d’une longue tradition culinaire.

Spider 1994 de Louise Bourgeois.

MINORQUE EN PRATIQUE

Y ALLER. En avion. L’Aéroport International de Minorque (MAH) est situé à 4,5 km au sud-ouest de Mahón. En 2020 l’aéroport a accueilli un peu plus d’un million de passagers, faisant de lui le quinzième aéroport le plus fréquenté du pays. De nombreuses compagnies desservent Minorque depuis la France dont Transavia (0892 05 88 88) de Paris-Orly, EasyJet de Parid-CDG, Vueling de Parid-CDG en vols directs. Il est possible de faire des escales en Europe avec des compagnies comme Iberia.

HÉBERGEMENT. Hôtel Lago Resort Menorca, Via Circunvalacion, Parcela No. 5, 07769 Cala’n Bosch, Minorque, Espagne. https://www.lagoresortmenorca.com/es/

OÙ MANGER ? Ses Voltes Espai Gastronòmic, Carrer Josep Maria Quadrado, 16, 07760 Ciutadella de Menorca, Illes Balears, Espagne. Jardí de ses Bruixes Boutique Hotel, Carrer de San Fernando, 26, 07702 Maó, Illes Balears, Espagne. Cristanal y Gradinata, Carrer d’Isabel II, 1, 07701 Maó, Illes Balears, Espagne. Restaurant Cafè Balear, Passeig es Pla de Sant Joan, 15, 07760 Ciutadella de Menorca, Illes Balears, Espagne. Agroturisme Son Vives, Camí de Sant Patrici, km 4’5 Ferrerias (Menorca), 07750, Illes Balears, Espagne.

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