La filière des volailles à chair (Anvol) a connu une année 2022 très tourmentée. En cause, une crise sanitaire sans précédent mais aussi l’augmentation des coûts de production et les importations à bas coût dont les méthodes d’élevages ne sont pas aussi exigeantes que les nôtres. La filière est mobilisée pour sauvegarder son modèle de diversité unique.

VOLAILLE DANS NOS ASSIETTES : ENTRE DEMANDE FRANÇAISE ET IMPORTATIONS ÉTRANGÈRES

Les français aiment la volaille ! Elle est même sans conteste une de leur viande préférée après le porc. Premier pays consommateur de volaille de l’Union Européenne, chaque année, ce sont 1,9 millions de tonnes qui arrivent directement dans nos assiettes. Et chacun en consomme 28,2kg. Le poulet est le grand gagnant du match puisque 4 volailles sur 5 consommées (79,6%) sont de cette espèce, loin devant la pintade (1%) ou le canard (6%). La dinde, bon « substitut » du poulet, au goût relativement proche, arrive en deuxième position avec 12,8 %.
Alors que la volonté des français de manger du « Made in France » n’a jamais été aussi forte, avec 89 % des français qui, avant le covid, disaient préférer consommer de la volaille française plutôt qu’étrangère, les importations de volaille s’élèvent à 50 %. Aujourd’hui, 1 volaille sur 2 n’est pas française ! Et les importations ne semblent pas vouloir s’arrêter. 2022 est d’ailleurs une année record en terme d’importation avec une progression de +10,3 % en 1 an. Un record dont les agriculteurs français se passeraient bien. Les volailles de nos assiettes proviennent des différents pays importateurs que sont la Pologne, la Belgique, les Pays-Bas, l’Ukraine (+114%), le Brésil, le Chili. Et si en France les élevages ne dépassent pas 40000 volailles il n’en n’est pas de même au Brésil ou en Ukraine où les élevages peuvent atteindre 2 millions de bêtes et sont parfois loin d’être exemplaires !

VOLAILLE FRANÇAISE EN DANGER : CONCURRENCE DÉLOYALE ET MESURES À PRENDRE

Le logo tricolore Volaille Française, qui garantit des volailles 100 % françaises rassurent les consommateurs pour leur usage domestique. Mais ils souhaiteraient aussi que l’origine de la viande soit plus clairement indiquée en CHR. Si cette mention figure parfois sur les cartes en restauration, il n’en n’est pas toujours de même.
Les français vont-ils continuer à consommer de la volaille française ? Nos élevages sont soumis à des contraintes très strictes, beaucoup plus que certains pays. Et c’est là que la bas blesse. Lorsque d’autres élevages, en Europe ou hors d’Europe ne respectent pas les mêmes règles sanitaires et importent des volailles qui ne sont pas élevés dans les mêmes conditions, comment nos agriculteurs peuvent-ils continuer à être compétitifs ? Les règles du jeu doivent être les mêmes pour tous. Des contrôles sur la qualité des conditions sanitaires se sont révélés peu concluants au Chili dont l’importation est passée de 18000 a 40000 tonnes. La suspension des droits de douane, décision prise le 4 juin dernier, au-delà de 70000 tonnes de poulets par l’Ukraine a elle aussi eu de lourdes conséquences pour la filière française. Cette importation qui résulte d’un quasi-monopole d’un groupe coté à la bourse repose sur une production totalement intégrée, de la nourriture des animaux au produits conditionnés. Les coûts de production sont nettement inférieurs à ceux des français et les conditions d’élevages non alignées sur la réglementation européenne et les bonnes pratiques françaises.
La filière cherche donc à lutter contre cette concurrence déloyale. Pour cela, elle demande au gouvernement d’appliquer plusieurs mesures comme d’empêcher de nouveaux contingents d’importation à bas coût accordés par l’union Européenne, d’intégrer des clauses miroirs (plus de réciprocité dans les accords commerciaux conclus avec les pays tiers), de faciliter le dialogue avec les français, de renforcer le contrôle de l’obligation d’étiquetage, d’éviter des contraintes supplémentaires de l’UE, de protéger les mentions valorisantes sur le plein air au niveau européen. Plus clairement, les conditions d’élevages entre les pays de l’UE et les autres pays doivent être lissées pour éviter la disparition de notre agriculture. De même, elle s’oppose à la libéralisation de l’étiquetage des modes de production de volailles. Cet assouplissement risque de voire fleurir des mentions fantaisistes qui n’auront qu’une finalité, celui de perturber le consommateur dans ses choix.

UNE CRISE SANITAIRE SANS PRÉCÉDENT POUR LA VOLAILLE FRANÇAISE

Autre problématique de taille, la grippe aviaire. À l’instar de la filière des palmipèdes à foie gras (Cifog), l’interprofession des volailles à chair a dû supporter deux vagues successives d’influenza aviaire en moins d’un an, situation catastrophique pour l’ensemble de la filière, en particulier les élevages de Pays de Loire. Cette région est en effet celle de la sélection génétique. 1400 foyers d’influenza aviaire dont 860 en Pays de Loire ont ainsi été détecté en début d’année. Un chiffre auquel s’ajoutent 300 foyers de plus en automne dernier. Tous les types d’élevage et toutes les espèces sont concernés même si l’impact est très variable d’une espèce à l’autre.
Le poulet a été relativement épargné avec une diminution de production de 1 % tandis que le canard, espèce la plus touchée par cette crise sanitaire sans précédent, a subit une baisse de production de 33,7 %. C’est ainsi que 25 millions de volailles sont disparues à cause de la maladie ce qui correspond à plus d’un milliard d’euros de perte sur la première vague sans compter toutes les volailles qui n’ont pas été mises en place. Cela a engendré une baisse de production de 7,6 % pour l’ensemble de la filière des volailles à chair. La France a ainsi perdu sa deuxième place de producteur de l’UE pour se retrouver à la quatrième.

VERS UNE SOUVERAINETÉ ALIMENTAIRE FRANÇAISE ?

Pour endiguer la crise sanitaire, l’interprofession est mobilisé sur plusieurs axes de travail notamment la baisse de densité dans certaines régions et une stratégie vaccinale à mettre en place rapidement afin d’éviter d’autres vagues d’épizootie. La filière demande que cette vaccination soit mise en œuvre dans tous les états membres de l’Union Européenne sans exception pour éviter les distorsions de concurrence. Aussi absurde que cela puisse paraître, un pays n’utilisant pas la vaccination pourrait refuser d’importer de la volaille française sous prétexte qu’elle est vaccinée. Comme les autres filières interprofessionnelles, Anvol souffre également de coûts de productions en hausse exponentielles depuis 2020. Hausse du coût des matières premières (dont l’alimentation animale, +67 % en 3 ans), flambée du coût de l’énergie, augmentation du prix des poussins entrainent un boom du coût de production des volailles.
Alors quel avenir pour la filière française de volaille à chair ? Lors de l’inauguration du Salon International de l’Agriculture 2023, le président Emmanuel Macron a réaffirmé son ambition de souveraineté alimentaire pour la France. Il appelé les distributeurs à faire un effort sur leurs marges et encouragé les français à acheter et consommer une alimentation française. En effet, si les français sont très regardant sur les conditions d’élevage des volailles françaises, ils le sont parfois parfois un peu moins avec celles qui viennent d’ailleurs. Au grand dam de nos éleveurs…