Difficile d’exister à côté d’une grande métropole comme Lyon. Pourtant l’agglomération de Vienne-Condrieu ne manque pas d’atouts. Au programme, exploration des vestiges romains, sortie en gyropode dans les vignes classées Côte-Rôtie et Condrieu, découverte des produits du terroir sur l’un des plus grands marchés de France ou directement chez les artisans.

LE PASSÉ ANTIQUE DE VIENNE-CONDRIEU

Excentrée, calée entre 5 collines, la ville de Vienne est pourtant à la croisée des routes qui partent vers les Alpes et le Massif Central. Sa situation idéale, entre le Rhône et les collines iséroises, a déterminé son destin, celle d’une ancienne cité devenue romaine, plusieurs fois détruite mais toujours reconstruire. Dès la préhistoire, les hommes s’y installent pour ne plus jamais la quitter, ou presque. Durant l’Antiquité, vers le Vème siècle avant J.-C., un puissant peuple de guerriers gaulois, les Allobroges, adopte Vienne comme capitale de son vaste territoire s’étendant jusqu’au lac Léman. Après une âpre bataille contre les Romains, pour avoir refusé de livrer les Salyens, les habitants de la ville sont soumis à une suppression de toutes leurs libertés et à un impôt. De cette époque, de nombreux vestiges subsistent faisant de Vienne, devenue par la suite colonie Romaine, une Rome miniature. Des bâtiments d’envergure ont été construits entre 35 et 41 après J.-C..

Le Temple d’Auguste et de Livie en centre ville de Vienne.

Au milieu des bars et restaurants modernes, le Temple d’Auguste et de Livie est un sublime exemple de ce passé romain. Monument historique édifié au tout début du Ier siècle, ce site est remarquable car c’est l’un des deux temples gallo-romains, avec la Maison Carrée de Nîmes, les mieux conservés de l’ancienne Gaule. Théâtre Antique et Via Agrippa témoignent également de l’importance de la ville de Vienna. Sur l’autre rive du Rhône, les communes de Saint-Romain-en-Gal, Sainte-Colombe et Saint-Cyr-sur-le-Rhône constituaient à l’époque romaine le quartier résidentiel de la bourgeoisie. De nombreux vestiges ont été découverts en 1967 à Saint-Romain-en-Gal lors de la construction d’un lycée et en 2017 à Sainte-Colombe sur un chantier destiné à l’édification d’habitations. Surnommée la petite Pompéi, cette petite commune possède des similitudes avec sa grand sœur de Campanie. La lave du Vésuve a permit une conservation extraordinaire de vestiges uniques tout comme le feu a ravagé mais aussi préservé ce faubourg de Vienne à deux reprises au IIème et IIIème siècle. Les fouilles préventives ont mis à jour de nombreuses mosaïques, dont celle représentant l’enlèvement de la muse Thalie par le dieu pan, actuellement en restauration dans l’atelier du site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal. Le musée s’articule autour de 4 grands thèmes : l’histoire de la découverte du site et l’archéologie, la vie économique et commerciale, l’art du décor, la maison et l’art de vivre. Les réserves du musée contiennent quant à elles plus de 100000 objets qui ne demanderaient qu’à sortir de leur tréfonds feutré.

CÔTE-RÔTIE ET CONDRIEU, DEUX APPELLATIONS PRESTIGIEUSES

Visiter Vienne et ses alentours donne l’occasion de se balader (le gyropode étant la façon la plus ludique et pratique) dans les vignes, omniprésentes, dessinant un panorama si caractéristique du vignoble le plus septentrional de la Vallée du Rhône. Coteaux abrupts jusqu’à 60 degrés d’inclinaison creusés de vallons et de ravines anciennes et terrasses soutenues par des murets en pierres accrochent forcément le regard de ceux qui passent même rapidement sur l’autoroute. Ou de ceux qui décident de s’y arrêter, d’abord pour admirer ce relief torturé puis savourer des crus prestigieux AOC élaborés à partir des deux cépages de la zone, le viognier et la syrah. Sur ces vignes, qui jouent les équilibristes, une verticalité défiant presque les lois de la gravité, rendant impossible toute mécanisation des vendanges, surgissent ici et là, un peu à la façon hollywoodienne, les noms en lettres géantes des producteurs historiques des deux vignobles : Guigal, Chapoutier, Chambeyron, Barge, Vidal-Fleury, Bonserine, Duclaux…

C’est en 1940 que les deux appellations Côte-Rôtie et Condrieu sont nées, à quelques mois d’intervalle. L’histoire de ce territoire viticole commence cependant dès l’époque romaine. La vigne y serait cultivée depuis le IIIème siècle. Après la destruction d’une grande partie des vignes à cause du Phylloxera à la fin du XIXème siècle, l’industrialisation de la vallée du Rhône, le relief escarpé et la réduction drastique de la main-d’œuvre ont failli faire disparaître au XXème siècle ce qui restait des deux vignobles. Efforts et volonté ont permis de reconstruire. Condrieu ne produit que des vins tranquilles blancs, délicatement aromatiques et ronds en bouche, avec pour unique cépage du viognier B originaire de cette partie de la Vallée du Rhône. Mais ce cépage serait génétiquement apparenté au freisa et au nebbiolo, deux cépages italiens rouges. Les Côte-Rôtie sont quant à eux sont des vins tranquilles rouges, délicats et fins sur la Côte blonde, plus puissants et tanniques sur la Côte brune, élaborés avec au minimum 80% de syrah N ou sérine, croisement entre la mondeuse blanche et le dureza N. L’exploitation peut être plantée dans la limite de 20% de cépages accessoires, la plupart du temps du viognier. La récolte des raisins, la vinification et l’élaboration des vins sont assurées sur les communes d’Ampuis, de Saint-Cyr-sur-Rhône et Tupin-Semons pour les Côte-Rôtie, tandis que les Condrieu possèdent un territoire plus large de 7 communes à cheval entre l’Ardèche, la Loire et le Rhône.

L’Espace PH3 de Patrick Henriroux vient d’être rénové en 2020 dans un style Art Déco.

DEUX ÉTOILÉS, PILIERS DE LA GASTRONOMIE VIENNOISE

Côté chefs, Vienne-Condrieu n’a rien à envier (ou presque) à Lyon. L’agglomération de communes compte en effet 2 étoilés. Patrick Henriroux a fait ses classes auprès de Gorges Blanc. En 1989, il prend la direction du restaurant gastronomique La Pyramide. Obtient une première étoile puis une seconde en 1992. Épaulé par sa femme Pascale, il finit par racheter en 1996 ce lieu rendu glorieux par Fernand Point, l’un des pionniers de la gastronomie française. Aujourd’hui, c’est une véritable histoire familiale qui résonne entre les murs du restaurant entièrement rénové en 2011 puisque enfants et beaux-enfants du couple mettent la main à la pâte pour maintenir le degré d’exigence d’un étoilé. Ensemble, ils gèrent une équipe de 56 collaborateurs dans 14 corps de métiers. L’autre table de la maison, l’Espace PH3, vient d’être fraîchement rénové en 2020 dans un style reprenant certains codes de l’Art Déco comme les belles matières notamment le velours, les lignes droites, les symétries, le marbre, les miroirs, les structures métalliques, les couleurs sourdes et profondes. Le résultat ? Une atmosphère intemporelle et moderne, très cocooning et feutrée.

Les légumes ont une place importante dans la cuisine de Patrick Henriroux.

Ce bistronomique tient son nom d’une volonté imparable du chef qui a fait du chiffre 3 son talisman. Ici, pas de carte à rallonge mais 3 entrées, 3 plats, 3 desserts, 3 vins… Le tout, toujours de saison et élaboré avec des produits du terroir avec une certain prédilection pour les légumes (pas moins de 65 légumes cuisinés en fonction de leur saisonnalité) que le chef trouve sur le marché de Vienne. Ce marché dont la rumeur urbaine raconte qu’il afficherait 6 km de linéaire le samedi. 2,6 km (dixit le site vienne.fr) suffiront dont 1,2 km de produits de bouche. Sur ce même marché, il n’est pas rare de croiser, très tôt le matin, le deuxième chef étoilé, Philippe Girardon, MOF 1997, un macaron au Guide Michelin. En polo décontracté, panier à la main, suivi de près par son second de cuisine, il vogue de stand en stand pour observer, sentir les nouveaux arrivages, tâter et choisir les produits élus qui finiront à la casserole, discuter avec ses différents fournisseurs. Là, sur le vif, il anticipe ses prochains menus (pour le Domaine de Clairefontaine ou Le Cottage) en fonction des récoltes à venir ou des pénuries. Les deux établissements proposent, chacun dans leur style, une cuisine « maison » élaborée à partir de produits bruts.

Philippe Bruneton, meilleur confiturier de France 2004.

PHILIPPE BRUNETON, LE TÉNOR DE LA CONFITURE

À Longes, situé à une vingtaine de kilomètres de Vienne, Philippe Bruneton, excelle quant à lui dans les confitures. Issu de la cuisine, il commence par faire des confitures pour la famille, les amis. De fil en aiguille, le succès est tel, qu’il décide avec sa femme Marie-Françoise de se consacrer entièrement à l’Art des confitures. Oui, mais pas n’importe quelles confitures ! Les siennes seront « premium » élaborées avec les meilleurs produits. L’entreprise s’appellera « Les Saisons de Rosalie », du prénom de la grand-mère, avant d’être rebaptisée plus simplement Philippe Bruneton. Pour le croiser, c’est chez ses fournisseurs qu’il faut se rendre. Les mêmes depuis toujours. Le terroir est très important. Changer de producteurs, c’est risquer de changer le goût de ses produits. « Sauf dans des cas de force majeur, lors d’une mauvaise récolte » explique-t-il. Son rayon de chasse n’excède donc pas 50 kms hormis pour quelques exceptions comme la mirabelle de Lorraine, les agrumes qu’il achète dans le sud de la France ou encore les figues qui proviennent du Var. 90% des fruits qu’il utilise sont frais et régionaux. Les 10% restants sont surgelés notamment pour les fruits exotiques.

Pour choisir ses fruits, Philippe ne se précipite pas dès les premières récoltes. « Je laisse le temps aux fruits d’arriver à la maturité que je juge parfaite, équilibrée, souvent en milieu ou fin de production ». Car le point de départ indispensable pour d’excellentes confitures, c’est la matière première. Son leitmotiv « On ne fait du bon qu’avec du très bon ». De fin mai à octobre, l’activité est intense. Parfois dans des conditions à la limite du supportable, lors des fortes chaleur en été et qu’il fait 50 degrés en cuisine. Son exigence lui a permis de gagner le concours du meilleur confiturier de France en 2004. Il avait alors présenté une mandarine de Sicile, une fraise au romarin, un abricot et framboise, une gelée de fleurs de primevère et un potiron aux abricots secs et Grand Marnier. « Mais c’est un métier où rien n’est jamais acquis » précise-t-il. « Il faut toujours recommencer. Retravailler à partir de ma recette, mes bases, mes réglages. J’apporte ma technique et mon expérience pour faire ressortir le meilleur de chaque fruit. Pour faire un bon produit, il faut jouer sur les équilibres, régler l’apport de sucre. On ne sait jamais comment va réagir le fruit ». Sa méthode de cuisson, plus courte, avec des temps de repos et des macérations, confère à ses confitures une texture plus agréable en bouche, avec des morceaux de fruits légèrement confis. Un vrai régal à manger à la petite cuillère ou en cuisine, en accompagnement d’une viande, d’un fromage (pourquoi pas une Rigotte AOP de Condrieu de la Ferme des Pampilles ?) ou dans l’élaboration d’un dessert. Les confitures Philippe Bruneton permettent toutes les fantaisies pourvu qu’elles visent l’excellence…

Les confitures de Philippe Bruneton.

DORMIR, SE RESTAURER, À VOIR, À FAIRE À VIENNE-CONDRIEU

Hôtel Ibis Saint-Louis***, Place Saint Louis, Quai Pajot, 38200 Vienne, 04 74 87 03 37.
Espace PH3, 16 boulevard Fernand Point, 38200 Vienne, 04 74 53 01 96. lapyramide.com. Restaurant Le Muse en centre-ville de Vienne, 4 rue du Musée, 38200 Vienne, 04 74 56 82 49. Bistrot de Serine, 16 boulevard des Allées, 69420 Ampuis, 04 74 48 65 10. bistrotdeserine.com. Restaurant Le Glacier, 61 cours Romestang, 38200 Vienne, 04 74 85 19 20. leglacier-vienne.com. Cottage de Clairefontaine, 616 Chemin du Marais, 38121 Chonas-l’Amballans, 04 74 58 83 28. domaine-de-clairefontaine.fr.
Site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal, RD 502, 69560 Saint-Romain-en-Gal 04 74 53 74 00. musee-site.rhone.fr. Patrimonio, Jazz e Vini et Les Papes al Dante au Musée archéologique Saint-Pierre de Vienne, 2 rue Saint-Georges, 38200 Vienne, 04 74 85 20 35. musees-vienne.fr. Escape Game, Château de Septème, 351 route des remparts, 38780 Septème, 06 58 15 01 01. chateau-septeme.com.
Domaine de Corps de Loup, 2 Route de Lyon, 69420 Tupin-et-Semons, 09 53 87 84 64. corpsdeloup.com. Caveau muséal de la maison Guigal, route de la Roche, 69420 Ampuis 04 58 17 08 70. lecaveauduchateau.com. Gaec des Pampilles, 1039 Casson, 69420 Les Haies, 04 74 87 86 73. facebook.com/gaec.despampilles. Philippe Bruneton, route de Sainte-Croix, 69420 Longes, 04 37 22 64 67. confiture-bruneton.com. Champign’Honnête, 78 Rue du Musée, 07340 Serrieres, 06 85 97 67 72. www.champignhonnete.eu.
Mobilboard Condrieu, François Nemoz et Céline Serre, 16 Chemin du Camping, 69420 Condrieu, 06 45 82 35 45. condrieu@mobilboard.com

Copyright des photos : Maeva Destombes sauf mention contraire. Toute reproduction est interdite sans l’autorisation des auteurs ou de leurs ayants droit.

 

Une mosaïque du site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Restauration de mosaïque.

L’atelier de restauration des mosaïques du site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Un taillant dans l’atelier de restauration des mosaïques du site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Le site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal ou musée Gallo-Romain.

Le site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Une mosaïque du site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Le site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Vue sur le site-musée archéologique de Saint-Romain-en-Gal.

Le château de la Bâtie est un ancien château fort du XIIIᵉ siècle dont les ruines se dressent sur la commune de Vienne.

Les coteaux jusqu’à 60 degrés d’inclinaison creusés de vallons et de ravines anciennes et terrasses soutenues par des murets en pierre caractérisent les vignes de Côte-Rôtie et de Condrieu.

Le gyropode est la façon la plus ludique et pratique pour découvrir les vignes.

Côte-Rôtie est une appellation née en 1940.

La Rigotte AOP de Condrieu de la Ferme des Pampilles.

La Ferme des Pampilles.

Philippe Girardon se fournit en champignons chez Émilie de la Champign’Honnête.

Vue sur Vienne et le Rhône.

Vue sur le Rhône et le musée Gallo-Romain.

Cathédrale Saint-Maurice de Vienne.

La Via Agrippa est visible à plusieurs endroits dans la ville de Vienne.

L’intérieur de la Cathédrale Saint-Maurice de Vienne.

Le Musée archéologique Saint-Pierre de Vienne est un musée lapidaire. Ses collections sont principalement constituées de pierres.

Patrimonio, Jazz e Vini au Musée archéologique Saint-Pierre de Vienne.

Patrimonio, Jazz e Vini au Musée archéologique Saint-Pierre de Vienne.

Le Château de Septème.

Le Château de Septème.