Il faut environ 8 mois pour apprendre à rouler les cigares.

Pour le commun des mortels, Cuba est indissociable de sa production phare : le cigare. Si pendant longtemps, l’ancienne colonie espagnole a été leader dans la fabrication et l’exportation des fameux barreaux de chaise, depuis plus de 25 ans la République dominicaine lui tient la dragée haute. Notamment sur le marché premium.

Le véritable pays du cigare serait-il la République dominicaine ? Quoiqu’en disent les grands amateurs de havano – dont les Chinois de plus en plus nombreux à raffoler de ce plaisir solitaire – la République Dominicaine assure tant en qualité qu’en quantité. La culture du cigare a été érigée en véritable Art de vivre. Loin d’être un secret de polichinelle et en toute légalité, certaines marques cubaines fabriquent dans le berceau de la bachata.

ORIGINES DU CIGARE EN RÉPUBLIQUE DOMINICAINE

L’essor du cigare Dominicain commence réellement en 1992, lorsque le boom du cigare aux Etats-Unis impose le terroir dominicain comme premier producteur mondial. Un article dans la revue américaine Cigar Aficionado popularise l’état insulaire en le baptisant the cigar country. Des producteurs de cigares, menés par Hendrik Kelner (président du Festival Procigar et artisan du changement opéré par Davidoff depuis 25 ans notamment l’installation de l’entreprise en République dominicaine mais aussi le développement de toutes les gammes premium), réunissent leurs forces et s’associent sous forme de groupement pour défendre les intérêts quels qu’ils soient de cette production et représenter un savoir-faire unique. Et au passage, la culture même du pays. Car si Procigar – qui compte aujourd’hui 12 membres actifs – est né avec la volonté de monter en qualité, la fabrication du cigare en République dominicaine ne date pas d’hier. Bien au contraire, la culture du cigare fait véritablement partie du patrimoine Dominicain. Déjà avant l’arrivée de Christophe Colomb à Quisqueya, les « autochtones » fumaient des cigares et brûlaient des feuilles de tabac en évoquant les dieux lors de rituels. Dès 1531, le tabac dominicain était exporté vers l’ancien monde par la couronne Espagnole.

Tous les cigares portent une bague qui permet d’identifier la marque d’un seul coup d’œil. La bague de cigare a été inventée par le Néerlandais Gustave Bock.

La fabrication a traversé les siècles, conservant à chaque génération les gestes de récolte, de transformation, de sélection et de préparation. La première fabrique dominicaine de tabac a été fondée en 1770 et par la suite, la domination haïtienne (1822-1844) a intensifié l’exportation de ce produit. L’actuel créneau choisi par le pays insulaire n’est pas celui du classique cigare que tout un chacun peut s’offrir comme souvenir de voyage. La République dominicaine a investi dans la qualité premium, fabriquée à partir des meilleures feuilles de tabac et roulée exclusivement à la main. En 1992, le pays se place à la première place des exportations mondiales. Et ne bouge pas de son piédestal… L’embargo qui court depuis 1962 contre Cuba lui a permit de faire des Etats-Unis son principal client avec 500 millions d’unités vendues aujourd’hui (dont plus de 210 millions de cigares premium), tandis que Cuba, qui produit 300 millions d’unités (faits main et machine), domine le marché Européen depuis plus de 100 ans et écoule le reste de ses produits en Amérique Latine et en Asie-Pacifique.

La tripe – autrement dit le cœur – du cigare est composée de trois feuilles provenant chacune d’une partie d’une distinct de la plante de tabac (pied, partie médiane et sommet).

SECRETS DE FABRICATION D’UN CIGARE PREMIUM

À Santiago de los Caballeros, l’épicentre du tabac Dominicain situé dans la fertile vallée de Cibao, les volutes bleues et enivrantes ont disparu dans l’usine d’Arturo Fuente, remplacées au pied levé par des masques très impersonnels. Covid oblige. La passion reste cependant la même dans les ateliers de fabrication. Les roleros roulent – non pas des mécaniques – mais les feuilles de tabac avec une dextérité incroyable. Sans jamais faillir à leur tâche minutieuse. Le tout rythmé non-stop par le son des musiques Dominicaines les plus entraînantes. Un peu rude pour les visiteurs d’un jour, mais les dominicains, eux, ne peuvent s’en passer. Sous leurs doigts agiles, les feuilles ne montrent aucune réticence. D’une finesse extrême, elles ont subi de nombreuses transformations. Fragiles – capricieuses diraient certains – elles ne supportent ni le froid ni les hautes chaleurs. Une température entre 18°C et 28°C est idéale. Un peu d’altitude aussi (mais pas trop) et un taux d’humidité relative de l’air de 80%. Fruit d’un intense travail, les feuilles de tabac dominicaines servent désormais aussi bien pour le cœur (la tripe), la sous-cape et la cape (le point faible de la République dominicaine avant 1992).

Les plants de tabac sont parfois protégés du soleil par d’immenses toiles de tissu.

Chaque étape est importante, que ce soit la culture (comme pour le vin, le terroir est régulièrement évoqué), la récolte, le séchage, le stockage, le vieillissement et la fermentation des feuilles de tabac qui peut durer jusqu’à trois ans. Les cigares dont ensuite entreposés dans des « Aging room » – où règne un équilibre parfait entre température et hygrométrie – de 5 à 10 ans minimum pour les cigares les plus prestigieux. C’est à ce prix que le cigare réunira toutes les qualités nécessaires de combustibilité, de texture, de saveur, d’élasticité, d’arômes, de couleur, d’équilibre. Certains grands amateurs font évoluer et vieillir leurs cigares 5 à 20 ans de plus…
Un bon cigare ne doit être ni piquant ni amer. Et les cigares dominicains ont la réputation d’être plus doux que leurs « concurrents » cubains. Dieu est-il toujours un fumeur de Havanes ? Il semblerait que la donne ait changé… Cependant, très différents, cigares dominicains et cigares cubains se complètent et permettent de satisfaire les envies les plus diverses offrant aux amateurs du genre, des expériences de saveurs et d’arômes propres à chaque terroir.

Copyright des photos : Maeva Destombes. Toute reproduction, en tout ou en partie, sous quelque forme que ce soit, est interdite sans l’autorisation préalable de l’auteur.

Fumer nuit gravement à votre santé et à celle de votre entourage.

La Vallée de Cibao, le paradis du tabac Dominicain.

Les plants de tabac peuvent atteindre 2,5m.

La couleur des feuilles de tabac – qui serviront de cape aux cigares premium – varie de la plus claire à la plus foncée (claro, double claro, colorado claro, colorado, colorado maduro, maduro, oscuro).

Avant de finir leur évolution dans une « aging room », les cigares sont empaquetés en fagot de 50 pièces.

Il existe des cigares de toutes les formes et de toutes les tailles. Les barreaux de chaise – expression entrée aujourd’hui dans le langage courant pour désigner les gros cigares – sont à l’origine des Double Corona mesurant de 20 à 24 cm.

Tous les bouts sont dans le cigares : ronds, pointus…

Le Château de La Fuente – maison familiale des Fuente – est située en plein cœur de la Vallée de Cibao. Cette sublime demeure qui comportent de nombreux séchoirs à tabac est entourée d’une végétation luxuriante et de plantations de tabacs.

Qui a dit que le cigare était une affaire d’hommes ? Certainement pas Carolina de Marco, Cigar Master chez Arturo Fuente. Certains sont tombés dans la potion magique tout petit, Carolina baigne dans le cigare depuis l’enfance.