Dernière entreprise industrielle à fabriquer des couteaux dans le bassin Nogentais, la marque Nogent 3 Étoiles, qui a su évoluer et se réinventer, bénéficie d’un savoir-faire centenaire. Labelisée EPV, elle maîtrise la totalité de sa chaîne de production et se place dans l’excellence.

UNE TRADITION COUTELIÈRE ANCRÉE DANS LE BASSIN NOGENTAIS

L’histoire de la marque Nogent 3 Étoiles commence comme bien d’autres. En 1923, à Biesles, Louis André fabrique des couteaux d’office dans… son garage ! La région est propice à cet art. Pour leur façonnage, coutellerie fine, demi-fine et ordinaire jouissent de tous les éléments naturels à proximité. Des gisements de fer pour les lames, du grès pour les meules, des forêts fournissant le bois (charme, cerisier des bois, merisier, hêtre) pour les manches, de l’eau pour les machines et pour le processus de fabrication. Dès le 15e siècle, les couteliers de Langres étaient si nombreux qu’ils formèrent une corporation. « La légende raconte que l’Évêque de Langres trouvant que les couteliers étaient bruyants leur intima l’ordre d’aller voir ailleurs » plaisante Éric Sirvin, PDG de l’entreprise. Dans les faits, c’est plutôt la fiscalité tatillonne et, effectivement, un règlement très contraignant qui les obligèrent à migrer vers Nogent. Le bassin Nogentais prendra définitivement le pas sur Langres au 19e siècle avec plus de 6000 couteliers, bien que la tradition coutelière et surtout ciselière y soit déjà implantée depuis le moyen-âge.

20 étapes sont nécessaires pour obtenir un couteau d’office et 38 pour les couteaux Affidentés.

NOGENT 3 ÉTOILES : UN SIÈCLE DE SAVOIR-FAIRE

La marque Nogent 3 Étoiles tire donc son nom de ce village emblématique de la coutellerie. En 1924, le talent et le savoir-faire de Louis André sont récompensés par le titre de MOF (Meilleur Ouvrier de France) dans sa catégorie. C’est alors la première promotion de ce concours prestigieux promis lui-aussi à un bel avenir. En 1938, un peu avant la guerre, Louis André croise le chemin de Pierre Minel. Qualifié de commercial hors pair et multicarte, ce dernier développe les ventes de l’entreprise de manière phénoménale. « Même à l’export alors qu’il ne parlait pas anglais ! » souligne Éric Sirvin. À la demande de ce commercial et pour une autre entreprise, Louis André débute la fabrication d’éplucheurs. Les 30 glorieuses et la mécanisation des processus de fabrication sont profitables à l’entreprise. En 1972, Pierre Minel rachète Nogent 3 Étoiles, dont les rênes sont très rapidement transmises à son fils Dominique. Les couteaux et les ciseaux dessinés et fabriqués par Louis André se gardent comme de véritables pièces de musées tant son expertise est reconnue. Mais malgré cette reconnaissance, l’entreprise dépose le bilan en 1984. Elle est rachetée l’année suivante par le père d’Éric Sirvin. Elle changera de nom plusieurs fois, empruntant notamment celui de Victoria Nogent en 1972, puis Société Nouvelle Victoria Nogent (SNVN) avant de se fixer définitivement en 2003 sur Nogent 3 Étoiles, marque pourtant déposée dès 1960.

NOGENT 3 ÉTOILES : UN ESPRIT D’INNOVATION

Dès ses débuts, l’entreprise a su être innovante et force de proposition dans un seul but, celui de faciliter la vie (et le travail) des cuisiniers et cuisinières. L’ouvre-boîte de Louis André avait été primé au concours Lépine de la Foire de Paris, comme meilleur de sa catégorie. En 1979, les lames expertes Affidentées (contraction entre affilé et cranté/denté) font leur apparition dans le catalogue de Nogent 3 Étoiles. Leur crantage presque invisible à l’oeil permet d’avoir une qualité de coupe exceptionnelle. Cette technologie, qui reproduit les dents acérées sur les lames crantés d’1 mm pour les couteaux à tomate jusqu’à 6 mm pour les couteaux à pain, a même été brevetée et déposée, renouant ainsi avec la belle époque du concours Lépine, où une innovation procurait la gloire à son inventeur.

Chaque lame est affutée à la main.

UN PROCESSUS DE FABRICATION TRÈS COMPLEXE

Si la fabrication des couteaux, ouvre-boîtes ou éplucheurs semble simple, ce n’est qu’une apparence. Fabriquer ces outils de manière industrielle est bien plus complexe qu’il n’y paraît. Pas moins de 20 étapes sont nécessaires jusqu’à la finition. Et même jusqu’à 38 pour les produits Affidentés ! La première étape de fabrication de la lame, et non des moindres, est la découpe à partir de rouleaux d’acier biseauté. Ces derniers n’étant pas parfaitement plats demandent un savoir-faire très particulier. Ensuite, la trempe va donner à la lame des caractéristiques optimales de coupe et de résistance. Le matériaux est chauffé 1080°C puis refroidit à l’eau. L’émouture va, quant à elle, usiner les deux faces et préparer le tranchant du couteau, lequel va être aiguisé à la main sur des meules reproduisant un angle de coupe optimal (affilage). Pour les manches, les étapes sont aussi très nombreuses. La tournerie consiste à transformer les planches de bois (préalablement stockées durant un an pour les faire sécher) en baguette de bois, lesquelles deviendront au fil du processus l’autre pièce majeure d’un couteau. Un autre poste, la frappe, transforme l’acier en rivet. Mais à chaque produit, finalement sa technique. Les couteaux dont les manches sont en polypropylène sont obtenus grâce à l’injection en surmoulage directement sur la lame.

UNE MARQUE TOURNÉE VERS LA DURABILITÉ

Eplucheurs, offices, ouvre-boîtes constituent aujourd’hui 80 % des ventes de Nogent 3 Étoiles. Mais toujours dans un esprit d’innovation, la marque développe de nombreux autres produits parmi lesquels les écailleurs, les spatules de cuisine, les pelles à gâteau… Chaque année, ce sont plus d’1,5 million de pièces qui sortent des ateliers.
Pour fêter ses 100 ans, Nogent 3 Étoiles a lancé toute une gamme de nouvelles couleurs afin de rajeunir ses iconiques et ses classiques. Le Santoku, nouvel outil indispensable des cuisiniers, fait lui aussi son entrée dans les références de l’entreprise. Sans conteste dans l’air du temps et pour apporter une réponse vertueuse aux attentes des clients, la marque a récemment lancé des produits avec des manches biosourcés issus de la canne à sucre. Un processus agricole 100 % durable qui a long terme permettra de remplacer le polypropylène.
Après avoir failli disparaître, l’entreprise Nogent 3 Étoiles est aujourd’hui florissante. Son chiffre d’affaires avoisine les 3 millions. Les 2/3 du chiffre d’affaires se font en France et l’export concerne principalement les pays limitrophes de l’hexagone. Les ventes se répartissent pour 1/3 en grande distribution, 1/3 chez les grossistes et 1/3 chez les Forains. Coté catalogue, 900 produits sont référencés dont 30 produits avec différentes variantes et 300 produits en ligne.