Le film culte a séduit plusieurs générations de cinéphiles. La comédie musicale qui se joue actuellement à Mogador va-t-elle suivre ses traces et obtenir le même succès ?

Le film Ghost a marqué les esprits. Au fil du temps, il est devenu cultissime. Descendu par les critiques en France, lors de sa sortie, qui le trouvaient « moralisateur, aseptisé (Positif n°358, décembre 1990), inodore, impalpable, incolore (VSD, 8 novembre 1990), franchement insupportable (Le Monde 11 novembre 1990) », il est pourtant devenu un classique visionné en boucle par les fans entre autres de Patrick Swayze (tant pis pour Harrison Ford et Tom Cruise qui ont refusé le rôle de Sam) et Demi Moore. Malgré les critiques négatives, le scénario sortait pourtant de l’ordinaire. Une comédie romantique se transformant en tragédie fantastique teintée d’humour grâce à la présence de Whoopi Goldberg, incarnant à la perfection un personnage haut en couleur. Bruce Joel Rubin, le scénariste, a imaginé l’histoire de Ghost dès les années 1960 en allant voir Hamlet. La scène dans laquelle le fantôme du père d’Hamlet demande que l’on venge sa mort est un véritable déclic pour lui. Pendant plus de deux décennies, il va ficeler un scénario racontant une histoire d’amour du point de vue du fantôme d’un héros décédé. La Paramount lui achète l’histoire. Avec Jerry Zucker, il la peaufine pour en faire un succès aux deux Oscars, celui du meilleur scénario et du meilleur second rôle.

GHOST, UNE COMÉDIE MUSICALE FIDÈLE AU FILM

Ghost navigue entre romantisme, surnaturel, angoisse et suspens : Éperdument amoureux, Molly et Sam s’installent dans un loft de Brooklyn. Mais un soir, dans une ruelle sinistre, Sam se fait tuer par arme à feu sous les yeux médusés de sa fiancée. Sam devient un fantôme qui ne se résout pas à quitter l’amour de sa vie. Après avoir compris qu’il était mort (difficile de l’admettre au début du film), que celle-ci n’a rien d’accidentelle et que Molly est en danger, il entre en contact avec une médium qui s’ignore qui va l’aider à communiquer avec Molly et à démasquer le commanditaire de son assassinat. Plusieurs éléments ont marqué le film. La scène de la poterie est certainement la plus torride du cinéma contemporain. Suggérant une fusion des corps sans montrer un centimètre carré d’intimité, elle a réussi à mettre en émoi les spectateurs, les laissant divaguer dans leur propre imaginaire. Deuxième élément phare du film, la version des Righteous Brothers d’Unchained Melody. Aujourd’hui encore, il suffit de l’écouter pour se remémorer le film. Dernier élément qui avait marqué les esprits, les râles effrayants des mauvais esprits emportant Carl dans l’autre monde. Une vision d’horreur digne des plus grands films du genre.

ROMANTISME ET HUMOUR, LES INGRÉDIENTS D’UN SUCCÈS UNIVERSEL

Dans Ghost la comédie musicale, si la musique (pourtant écrite par Dave Stewart des Eurytmics en collaboration avec Glen Ballard mais dont aucune mélodie ne se retient finalement) mais surtout les paroles en français (une simple traduction des paroles en anglais alors que la version française aurait mérité une adaptation et un parolier dédié à cette tâche) n’emballent pas forcément les amateurs du genre, le jeu des acteurs (parfois légèrement surjoué), les décors et les éclairages achèvent de séduire les plus réticents. Dès les premières minutes, le couple phare de l’histoire apparaît sur scène. Il joue à la perfection les amoureux transis allant même jusqu’à se déshabiller et s’enlacer dans la première scène. La complicité amicale des deux acteurs principaux, Moniek Boersma et Gregory Benchenafi, transparaît sur scène et donne de la crédibilité à ce couple d’amoureux. Seul bémol, la scène de la poterie est ici très vite expédiée et beaucoup moins sensuelle que l’originale. La vraie surprise ne vient pas du couple phare mais des rôles secondaires. Claudia Tagbo, qui incarne Oda Mae Brown, réinvente le personnage et se fait plus Whoopi Goldberg que l’originale. Dès ses premières secondes d’apparition sur scène, le rire envahit la salle. Elle fait d’Oda Mae Brown, un personnage lumineux et féerique. L’autre extase de ce musical est très certainement Abdel-Rahym Madi aka le fantôme du métro. Sa présence fait oublier celle des autres. Son jeu est é-pous-tou-flant !

DES DÉCORS ET DES ÉCLAIRAGES METTANT EN VALEUR CHAQUE ACTEUR

Côté effets scénographiques, l’inventivité des équipes permet de passer en quelques secondes d’un appartement douillet à une ruelle sombre et grise de Brooklyn ou de la boutique d’une extra-lucide truculente aux bureaux animés de la Big City. C’est véritablement magique ! Autre atout indéniable de la mise en scène de Ghost le musical, l’habile jeu des éclairages met en valeur tous les acteurs notamment Philippe Touzel dans le rôle de Carl ou Benoit Charron dans celui de Willy Lopez et donnent à Sam un teint bleuté fidèle à celui d’un fantôme. Bien que très dynamiques, les pas de danse auraient mérité d’être un peu moins répétitifs tout au long du show. Les scènes des mauvais esprits emportant Willy et Carl auraient gagné à être plus terrifiantes pour rester fidèles au film. Beaucoup plus dynamique que le film, Ghost Le Musical est un spectacle divertissant qui plaira à tous.

Ghost Le Musical, du 25 octobre 2019 au 31 janvier 2020 au Théâtre Mogador, 25 Rue de Mogador, 75009 Paris.
Copyright des photos : Alessandro Pinna