Lait cru de vache, sel et présure. Ces trois ingrédients, ajoutés au temps et au savoir-faire humain, suffisent à façonner le Parmigiano Reggiano, ce fromage d’Emilie-Romagne dont la recette se transmet depuis des siècles de père en fils dans toutes les laiteries du terroir. Un pur délice artisanal au goût âpre et fruité qui peut atteindre des sommets financiers à la vente.

UN SAVOIR-FAIRE TRADITIONNEL ET GÉNÉRATIONNEL

Dès l’aube, dans le Caseificio Ugolotti, niché dans la campagne italienne non loin de Parme, les ouvriers s’activent à traiter le lait écrémé à l’œil par le maître-fromager de la traite du soir et du lait frais de la traite du petit matin. Il faut faire vite ! Le temps et l’humain sont des facteurs essentiels dans la fabrication du Parmigiano Reggiano. Dans cette laiterie familiale et artisanale datant de 1930, les ouvriers se succèdent de père en fils. Pour embrasser très tôt ce métier dur et physique, la passion est une condition sine qua none.
Ce fromage à pâte cuite non pressée, détenteur d’une Appelation d’Origine Protégée (DOP en italien) serait né il a plus de 1200 ans dans les monastères bénédictins de la zone de production.

UNE TRAÇABILITÉ GARANTIE TOUT AU LONG DU PROCESSUS

Aujourd’hui encore, les fromages qui sortent des 335 ateliers sont tous fabriqués selon un cahier des charges précis établis par le Consorcio del Formagiano Parmigiano Reggiano, l’organisme de contrôle crée en 1934. La production laitière est divisée en trois lots correspondant à trois périodes dans l’année : 1er lot de janvier à avril, 2ème lot de mai à août, 3ème lot de septembre à décembre.
« Tout au long du processus, la traçabilité est garantie » explique une responsable du Consorcio. Car pour que le produit final soit de bonne qualité, la rigueur est de mise. « En 2018, plus de trois millions huit cent mille meules sont sorties des ateliers » précise-t-elle. Sachant qu’une meule peut atteindre 400€… Il est donc important de porter toute son attention dans l’élaboration de ce véritable trésor caché dans l’antre des caves d’affinage.

QUATRE VACHES AU LAIT RICHE EN CASÉINE

Tout commence dans les champs de la région d’Émilie-Romagne. La zone de production s’étend sur les provinces de Parme, de Reggio Emilia, de Modène, d’une partie de Mantoue située sur la rive droite du Pô, et d’une partie de la Bologne située sur la rive gauche du Reno. Les vaches qui produisent le lait du Parmesan sont issues de quatre races laitières : la Modenese (une vache à la robe claire qui porte également le nom de Bianca val Padana), la Bruna Italiana (une Braunvieh importée de Suisse), la Frisona (une Holstein importée des Pays-Bas et des USA) et la Reggiana (probablement la race mère du fromage). Le lait de cette dernière est plus riche en protéines, notamment en caséine, que celui des autres.
Ce qui fait la qualité de leur lait est sans nul doute leur alimentation « principalement constituée de fourrage fabriqué à partir de foin dont au moins 75% de la matière sèche provient de la zone de production du Parmigiano Reggiano ». Le foin doit être d’excellente qualité, d’une belle couleur verte. Ensilages, aliments fermentés, farines animales, conservateurs, additifs lors de la fabrication sont formellement interdits.

DU LAIT, DES GESTES ET DE LA PRÉSURE NATURELLE

À la laiterie, 1100 litres de lait sont chauffés à 35°C à la vapeur d’eau dans des chaudrons en cuivre en forme de cônes tronqués. « Ces chaudrons ne sont utilisés qu’une seule fois dans la journée » commente Attilio, le maître-fromager. « La présure naturelle de veaux allaitants est ajoutée au lait chauffé » développe-t-il. Durant sept minutes, le lait se repose et coagule lentement. Lorsque la matière a atteint la bonne consistance, le fromager va la découper à l’aide d’un tranche-cailler (spino) puis la déshydrater à haute température (56°C). Le fromager plonge sa main dans ce bain laiteux pour juger de la grosseur et de la qualité des grains de fromage. Les grains s’agglomèrent peu à peu au fond de la cuve. Avec dextérité, deux fromagers vont alors récupérer cette masse compacte dans un linge, la découper, la mettre dans deux autres toiles de lin et enfin les suspendre pour leur faire perdre toute leur eau.

PARMIGIANO REGGIANO, UN CAHIER DES CHARGES TRÈS STRICT

Les boules de caillé sont alors placées dans des étaux de plastique (fascera) et aplaties avec de lourds disques en bois durant deux à trois jours. Les parmesans sont ensuite entourés d’une matrice de marquage en pointillés – portant l’immatriculation de la laiterie, le millésime, le mois de production – et encerclés d’un moule perforé en métal. Quelques jours plus tard, ils sont immergés pendant au moins 12 jours, selon le cahier des charges, dans une solution saline à 18°C, point de fusion du lait. Mais la plupart des fabricants les laissent entre 20 et 25 jours. De ce bain de sel, les parmesans vont puiser l’essentiel de leur saveur et de leur texture granuleuse et salée. Pendant 12 mois minimum, jusqu’à 48 mois pour les parmesans d’exception, les meules vont s’affiner dans d’immenses entrepôts dont la température est maintenue à 18-20°C.

L’AFFINAGE, TOUCHE FINALE À UN PRODUIT D’EXCEPTION

« Certains parmesan vont subir une maturation jusqu’à 100 mois » conclut la responsable du Consorcio. Un record pour ces meules qui seront vendues à prix d’or. Au fil du temps, chaque « roue » d’un poids minimal de 30kg mais bien souvent de 45 kg va acquérir sa belle couleur de paille dorée et son parfum puissant, à la fois âpre et fruité. À l’intérieur, la pâte est finement grainée et se fracture en paillettes à la coupe. La couleur de la croûte est le signe distinctif qui permet aux experts d’en connaître l’âge sans regarder le marquage de certification. Ce dernier est apposé aux roues qui satisfont l’inspection. D’autres expertises notamment sonores à l’aide d’un marteau sont réalisées sur les meules. Deux catégories de Parmesan en découlent. Le Parmigiano Reggiano (affiné 24 mois) et le Parmigiano Reggiano Mezzano (affiné 12 mois et reconnaissable à ses striures latérales) auxquels s’ajoutent deux qualités plus rigoureuses : Extra ou Export. Un bon parmesan se reconnaît à sa forte odeur. Il laisse la bouche et les mains propres. Paroles d’expert !